Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/563

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’âpre et violent tribun des réactions de 1815, toujours le premier dans la mêlée, ne voyait partout que ruine, oppression et arbitraire. Il accusait les ministres de « semer l’inquiétude dans la garde et la division dans l’armée, » — ce qui allait droit au maréchal Saint-Cyr, — de « désorganiser l’administration, » — ce qui était pour M. Decazes, — de jeter « le désordre dans les finances pour favoriser les agioteurs et les capitalistes étrangers, » — ce qui avait trait, aux derniers emprunts négociés pour la libération du territoire-M. de La Bourdonnaye donnait le signal, tout le parti suivait, et M. de Villèle lui-même, tout avisé qu’il fût, ne se défendait pas de ces excès. Il voyait dans une première violation de la charte le prélude de toutes les violations, il évoquait les souvenirs de brumaire, il se laissait aller à dire : « Lorsque Bonaparte, à la tête de quelques soldats, vint disperser les membres du conseil des cinq-cents, ceux-ci invoquaient les droits qu’ils tenaient de la constitution ; il leur répondit : — Vous l’avez violée! — Craignez pour vous-mêmes cette foudroyante réponse. » Ces exagérations peu sincères sur un point de légalité constitutionnelle ne laissaient pas d’éveiller chez bien des esprits droits des scrupules qui font honneur au temps: depuis nous en avons vu bien d’autres!

C’est précisément à cette occasion que M. Guizot stimulait l’ardeur du ministère naissant et du garde des sceaux. Le baron Louis, plus habile financier qu’orateur, n’était pas homme à se défendre; seul De Serre « pouvait, » selon le mot de M. Guizot, et il n’avait guère besoin d’être stimulé. Une fois la lutte engagée avec ce caractère politique, De Serre se jetait à son tour dans la mêlée avec ce don d’improvisation nerveuse qui faisait sa force. Il reprenait cette question de finances, qu’il dégageait de toute obscurité en vrai homme d’affaires supérieur, et, s’animant par degrés, saisissant corps à corps ses adversaires, M. de La Bourdonnaye, M. de Villèle, dévoilant leur tactique, relevant tous ces défis de l’esprit de parti, il répliquait d’un ton d’autorité véhémente :


« Croyez-le, messieurs, c’est à des signes certains que l’on reconnaît les vrais amis de la charte, les hommes vraiment constitutionnels. On ne les voit point, pharisiens nouveaux, se contenter d’un culte purement extérieur, et, la charte sur les lèvres, élever des scrupules et de subtiles querelles sur des syllabes, des points et des virgules, tandis qu’au gré de leurs passions ou de leurs intérêts ils violent sans pu leur les préceptes les plus essentiels de la loi. Aimer et pratiquer la charte, c’est protéger, c’est défendre les droits, les intérêts, les libertés publiques que la charte a reconnus et garantis; c’est combattre tous ceux qui voudraient les inquiéter, les menacer ou les flétrir. Aimer la charte, c’est chercher, non dans de vains simulacres, mais dans la franchise et la réalité