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Singulière destinée de ces chefs-d’œuvre de l’art grec qu’il faut aller maintenant étudier au milieu des brumes de la Tamise ou sous le climat rude et changeant de l’Athènes germanique, tandis que le sol auquel ils ont été arrachés n’a plus à nous en montrer que des fragmens épars ! Malgré le prestige qu’ils exercent sur nous dans leur triste exil, on sent que pour les goûter pleinement il faut les replacer par la pensée dans leur vrai milieu, les associer à une architecture dont les saillies et l’orientation même en faisaient ressortir toutes les beautés. C’est là-bas, sur ces rivages heureux que découpe harmonieusement l’azur de la mer, sous ce ciel dont l’azur est plus doux et plus limpide encore, avec le gracieux encadrement des montagnes au profil élégant et pur, au cœur de cette nature à la fois simple et grande, qu’évoquant le souvenir des poètes et des sages, les yeux enivrés de ces radieux spectacles, l’esprit rempli des plus nobles visions, on peut seulement comprendre la perfection souveraine d’un art qui ne devait jamais être dépassé.


IV.

A côté de ses expositions permanentes ou périodiques des œuvres de l’art contemporain, Munich, avec le Musée national bavarois et la Glyptothèque, renferme un grand nombre de collections consacrées à l’art du passé. La bibliothèque, une des plus importantes de l’Europe, possède des manuscrits remarquables par leur haute antiquité, ou par les miniatures et les dessins qui les décorent. Le fonds des médailles, à l’Académie, est surtout riche en types de la Grèce, et la Pinacothèque, outre la galerie de tableaux, contient un cabinet de dessins et d’estampes très libéralement accessible, et une collection de vases antiques dont le catalogue a été dressé par Otto Jahn, un savant que ses travaux archéologiques et ses œuvres de critique musicale ont rendu également célèbre. Une école des arts industriels, fondée en 1868, et d’autres établissemens spéciaux complètent cet ensemble imposant de ressources que la capitale de la Bavière offre à l’étude, et montrent l’intérêt qu’on y attache à la culture des arts et à l’éducation du goût. Il nous reste à parler de la plus importante de ces collections, de celle qui par conséquent réclame de nous un plus long examen. On ne cherchera cependant pas dans ces pages une énumération complète des richesses de la Pinacothèque; qu’on n’y cherche pas non plus une esthétique nouvelle. Nous avouons humblement n’en avoir pas rapporté d’Allemagne, bien qu’il s’en fasse là-bas une assez grosse consommation; mais, essayant d’accomplir sur place, pour le musée de Munich, ce travail de triage et de résumé que le temps et l’éloignement se chargent d’opérer dans l’esprit de chacun de nous, nous nous