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À part même cette question de science, qui ne pouvait être prématurément résolue, était-il raisonnable de réunir sous le ciel ingrat de Munich des édifices empruntés à d’autres âges et d’autres climats, sans autre but que la satisfaction d’un éclectisme un peu puéril ? Les inconséquences d’une pareille tentative ne devaient pas tarder à s’accuser. Tandis que les monumens grecs, romains, byzantins et même gothiques, là où les hommes les ont respectés, semblent défier le temps, quelques années ont suffi pour condamner leurs pâles contrefaçons non-seulement à l’indifférence des gens de goût, mais à de rapides détériorations. Sous les terrasses copiées de la Grèce et de l’Italie, des gouttières inévitables ravagent et déshonorent promptement les édifices de Munich ; un jour insuffisant pénètre derrière leurs portiques, et la symétrie voulue des lignes et des masses n’a été trop souvent poursuivie qu’au prix de la commodité des aménagemens. L’architecture, qui est à la fois une science et un art, ne saurait en effet s’affranchir des conditions géographiques ou sociales qui la régissent impérieusement. Elle reste subordonnée à des nécessités fort complexes, et si, en se proposant des programmes abstraits, elle ne tient pas un compte assez exact de l’état moral d’un pays et des matériaux que la nature ou l’industrie y mettent à sa disposition, elle expie cruellement ses imprévoyances.

Comment d’ailleurs, dans un très court espace de temps, si bien secondé qu’on le suppose, un seul homme eût-il été capable de mener à bien des entreprises si diverses ? Malgré des sacrifices considérables pour un état comme la Bavière, l’insuffisance des ressources et aussi le manque d’études préparatoires ou de surveillance dans l’exécution expliquent assez le délabrement où sont aujourd’hui tombés la plupart de ces édifices, vantés autrefois avec un enthousiasme si complaisant.

A ne considérer que l’activité qu’il leur procurait, les sculpteurs n’avaient pas non plus à se plaindre de leur royal patron. Outre les statues qui leur étaient demandées pour les monumens et les places publiques de la capitale, ils devaient encore approvisionner les temples élevés dans les environs à la gloire de la nation. Jamais un si petit état ne fit en si peu de temps une telle consommation de célébrités. Après les souverains, qui naturellement eurent la première et la plus large part dans ces représentations, toutes les illustrations locales avaient eu leur tour. Cette liste épuisée, le roi Louis avait généreusement accordé l’hospitalité aux effigies des personnages marquans de toute l’Allemagne, comme s’il eût voulu préluder, dans l’ordre intellectuel, à cette unité germanique dont, bon gré, mal gré, un de ses successeurs devait provoquer l’avènement. Le recueillement et l’étude firent donc un peu trop défaut à