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la Bavière. Avec la netteté d’un esprit vraiment philosophique, M. de Rémusat appréciait brièvement alors le caractère de l’activité intellectuelle dont cette ville était le foyer. La plus simple prudence nous aurait averti que, même après un si long intervalle, on ne recommence pas une pareille étude, si d’ailleurs nous avions été tenté le moins du monde de la reprendre au point où il l’avait laissée, et de dire les sentimens que nous inspirent les événemens qui depuis se sont si brusquement succédé. Nous entendons nous tenir strictement sur le terrain de l’art. Outre les nombreuses collections que renferme Munich, outre la Pinacothèque, qui en était pour nous le principal attrait, nous y avons trouvé, comme à point nommé, une exposition à laquelle toute l’Allemagne, et l’Allemagne seule, avait été convoquée. Il nous a donc paru que l’occasion était bonne pour étudier, à côté des œuvres du passé, la situation de l’art contemporain, et pour jeter un coup d’œil sur les arts industriels, puisque ces divers élémens d’information étaient réunis pour nous dans cette exposition du Palais de Cristal.

En même temps, l’attention du monde musical était appelée sur les fêtes de Baireuth ; cette paisible petite ville était tout à coup transformée en un champ-clos où adeptes et détracteurs de Wagner se livraient aux appréciations les plus divergentes et les plus passionnées. À Munich même, tous les soirs, les plus grandes productions d’un répertoire lyrique très richement pourvu sollicitaient notre admiration autant par leur variété que par le consciencieux mérite de l’interprétation. Les arts, on le voit, pouvaient suffire, et au-delà, à défrayer tous les momens d’un voyageur, et fournissaient ample matière à ses observations. Sans qu’il fût besoin de recourir à des relations qu’en d’autres temps nous eussions peut-être recherchées, notre vie silencieuse et solitaire était assez occupée. Quoi qu’on en dise en Allemagne, les arts peuvent se passer de commentaires ; c’est leur bénéfice de n’exiger de ceux qui les aiment que la sincérité et le recueillement. Nous osons affirmer que ni l’un ni l’autre ne nous ont fait défaut à Munich. Sans partage, l’art remplissait nos journées, et la nature elle-même nous y laissait à nos pensées. Ni les grands espaces abandonnés du Jardin anglais, ni ces terrains vagues dans lesquels la ville semble se perdre peu à peu, ni les tristes prairies où l’Isar roule à grand fracas ses eaux grises, ni même, quand parfois le ciel est pur, la pâle silhouette des Alpes de Bavière qui dessinent à l’horizon leur fine dentelure, rien, dans ce pays désolé, sur cet âpre plateau balayé par la bise, ne sollicite bien vivement l’attention du promeneur. On peut à loisir songer à ce qu’on a vu, repasser les impressions qu’on a goûtées, et alors, comme par une pente naturelle de l’esprit, dans cet isolement qui tient plus aux conditions d’un tel