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précéder les cantons auxquels il est imposé, tandis qu’auparavant le chiffre correspondant les suit.

Mais je ne saurais me ranger à l’opinion qui veut qu’en groupant les cantons gaulois pour indiquer le chiffre du contingent qu’on leur demande, César fait retomber ce chiffre sur chacun des cantons pris isolément. Je persiste à croire que c’est l’ensemble de chaque groupe que visait chaque chiffre indiqué, quitte à se répartir à l’intérieur du groupe sur des bases, que l’historien a jugé inutile de nous faire connaître. Et voici mes raisons : 1° César commence par indiquer le chiffre du contingent collectif des Éduens et de leurs cliens, celui du contingent également collectif des Arvernes et de leurs cliens ; puis il continue en énumérant des groupes de cantons, en énonçant les chiffres d’hommes requis, sans un seul mot qui dénonce qu’à partir de là ces chiffres ne seront plus collectifs, mais devront être multipliés par le nombre des cantons composant chaque groupe. 2° Si l’opinion que je combats était fondée, pourquoi César dirait-il : Bellovacis X (millia), totidem Lemovicibus ; Suessionibus, Ambianis, Mediomatricis, etc, quina millia, Aulercis Cenomanibus totidem ? N’aurait-il pas là aussi réuni en un seul et même groupe les cantons qui auraient dû fournir chacun 10,000 ou 5,000 hommes ? 3° Selon le calcul basé sur la manière de compter que je préfère, on arrive au chiffre très considérable pour l’époque de 163,000 hommes. Or, dans le chapitre suivant, César, voulant montrer avec quelle passion unanime la Gaule entière courut aux armes pour venger ses récentes injures et reconquérir sa liberté, nous apprend que 248,000 hommes répondirent à l’appel désespéré de la patrie. Admettons que ce chiffre soit gonflé, comme cela est fort probable. Toujours est-il que l’intention du narrateur est de nous faire voir que, non-seulement les contingens fixés par les chefs de la résistance furent accordés, mais encore que, l’enthousiasme aidant, ils arrivèrent bien plus nombreux qu’on ne les avait requis. Mais veuillez remarquer, monsieur, que si l’on adopte votre supputation, les contingens répartis sur toute la Gaule atteindraient le chiffre de 280,000 hommes, ou, si l’on tient compte du refus partiel des Bellovakes, à celui de 272,000 combattans. Où serait donc la preuve de la passion patriotique dont la Gaule fut alors saisie ? Un pays taxé à 280,000 hommes et qui n’en fournit que 248,000 ne reste-t-il pas au-dessous des attentes plutôt qu’il ne les dépasse ? Et ne sommes-nous pas bien plutôt en droit de supposer que, dans ce chiffre de combattans, si supérieur à celui qui avait été officiellement fixé, il y a l’indice que les cavaliers de Vercingétorix disséminés dans les cantons transmirent son appel à la levée en masse indépendamment des ordres lancés par le gouvernement provisoire de la fédération gauloise ?

Vous comprendrez par conséquent pourquoi je persiste à soupçonner