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cabinet nouveau s’est constitué, la crise a pu être laborieuse, elle a pu même, en se prolongeant pendant quelques jours, impatienter un peu l’opinion, elle n’a pas été au fond une complication bien grave, quoiqu’elle ait peut-être sa signification.

Lorsque les états-généraux de Hollande se réunissaient au mois de septembre à La Haye, il y avait déjà quelques nuages lentement formés entre le ministère et le parlement. Le ministère présidé par M. Heemskerk existait depuis 1874. Il avait été porté au pouvoir par un mouvement conservateur, comme le représentant modéré d’un parti qui a eu une influence considérable par ses opinions comme par le talent et l’expérience de ses chefs. M. Heemskerk est lui-même un homme d’une supériorité reconnue, et le ministère qu’il a dirigé depuis trois ans n’a point eu une existence inutile. Il a montré le plus sérieux dévoûment à la cause nationale en dévoilant avec une loyale française les défectuosités du système de défense du pays et en proposant d’y remédier. Le ministre de la justice, M. van Lynden, a entrepris des réformes d’une certaine importance. Le ministre de la marine, M. Taalman Kip, a déployé de l’activité. Malgré tout cependant, le ministère ne pouvait avoir raison d’un malaise assez sensible dans le parlement. La plupart des propositions qu’il faisait restaient en suspens ou elles étaient tellement transformées qu’il ne pouvait plus les reconnaître comme son œuvre. En un mot, il n’avait pas une action politique suffisante sur la chambre, il n’avait plus de majorité. Il s’était affaibli par des raisons diverses, d’abord parce que le parti conservateur a perdu quelques-uns des hommes distingués qui étaient sa force, et ensuite parce que depuis quelque temps les opinions sont devenues plus vives, plus exigeantes autour de lui. La lutte s’est animée sur certaines questions, et en Hollande aussi, comme dans bien d’autres pays, ce conflit a éclaté au sujet de l’enseignement primaire, à propos de la direction de cet enseignement, il s’agissait de la réforme d’une loi, vieille de plus de vingt-cinq ans, qui régie les conditions des écoles publiques et des écoles privées. Les protestans orthodoxes ou « antirévolutionnaires, » ayant pour alliés les catholiques, n’aspirent qu’à étendre les libertés de l’enseignement privé ; les libéraux veulent étendre et fortifier l’enseignement public. M. Heemskerk, arrivant au dernier moment avec un projet de conciliation entre les partis, a eu le sort qu’ont trop souvent les médiateurs les mieux intentionnés. Il n’a satisfait ni les uns ni les autres : pour ceux-ci il accordait trop peu, pour ceux-là il accordait trop.

C’est là justement la situation qui s’est dessinée dès l’ouverture de la session des états-généraux de La Haye. Le projet du gouvernement était tout prêt à être livré à la discussion. Vainement le ministère a insisté pour en maintenir au moins les principes essentiels, pour pousser jusqu’au bout sa tentative de conciliation ; la majorité libérale, fortifiée