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est de nouveau et plus que jamais sous le coup d’un blocus rigoureux. Erzeroum, qui est la capitale arménienne et le réduit suprême de la défense, voit les Russes autour de ses murs. La question est de savoir si Kars a assez de forces, assez d’approvisionnemens pour soutenir un long siège, et si Erzeroum peut se défendre. De toute façon, l’Arménie est en péril ; les Turcs ont perdu d’un seul coup tous les fruits d’une campagne qu’ils avaient commencée avec avantage. Leur dernière ressource est dans le temps, si le temps leur est accordé pour se réorganiser, et dans l’hiver, si l’hiver vient à propos pour créer aux Russes des difficultés nouvelles.

La lutte n’a point été signalée par de tels désastres pour les Turcs en Bulgarie. Là aussi cependant la situation militaire prend de jour en jour un certain caractère de gravité. Du sort de Plevna dépend peut-être l’issue de la guerre, et la position de Plevna n’est rien moins qu’assurée. Le nouveau système de guerre adopté sous la direction du général Totleben et appuyé par les puissans renforts arrivés successivement du centre de l’empire, ce système est plus menaçant et peut-être plus efficace que les assauts de vive force vainement tentés jusqu’ici. Tous les efforts des Russes tendent maintenant à enfermer Plevna dans un cercle de fer, et ils ont été poursuivis depuis quelques semaines avec assez de vigueur pour que l’investissement semble à peu près complet. Les dernières opérations que le général Gourko a été chargé de conduire à Dubnik, à Telish, et auxquelles Chevket-Pacha n’a pas pu s’opposer, coupent la ligne directe d’Orkhanie, par où Osman-Pacha recevait jusqu’ici ses ravitaillemens. D’un autre côté, la pointe que le général Skobelef vient de faire sur Wratza, au sud-ouest de Plevna, indique le dessein de fermer les communications de toutes parts et même de se ménager un moyen de tourner les Balkans. Les Russes manœuvrent et agissent maintenant avec une prudence habile qui n’exclut pas sans doute, à un moment donné, quelque résolution plus hardie. Osman-Pacha, de plus en plus serré dans les positions où il a su se rendre inexpugnable, tentera-t-il de se dégager par son propre effort ? A-t-il assez de vivres, de munitions pour prolonger sa défense et attendre qu’on le dégage ? Osman-Pacha est jusqu’ici l’homme le plus silencieux, le plus mystérieux de cette guerre. Il ne dit rien, on ne sait à peu près rien de lui, si ce n’est qu’il est toujours debout. Après les preuves d’aptitude militaire et d’énergie qu’il a données jusqu’ici, il semble assez douteux qu’il se résigne à attendre dans l’inaction, dans sa muette impassibilité l’heure d’une capitulation inévitable. Le gouvernement de Constantinople, malgré les intrigues où il se perd, ne peut, lui non plus, se dispenser de songer à cette situation. Méhémet-Ali, l’ancien généralissime de Choumla, vient d’être envoyé à Sofia pour rassembler une armée nouvelle. Si Chevket-Pactia, avec les forces qu’il a autour d’Orkhanie, est