Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dételé, rentre dans le bateau. Par ces moyens rudimentaires, le prix du fret descend à 1 centime 1/2 par tonne et par kilomètre, en y comprenant toutes les dépenses, quelles qu’elles soient. Sur le chemin de fer, ce serait au moins le triple, sinon le quadruple. Et cependant qu’avons-nous d’un côté ? Des engins primitifs, un outillage incomplet, élémentaire, une pauvre famille et le plus humble des serviteurs de l’homme. Et de l’autre ? De puissantes machines, savamment construites et entretenues, mises en œuvre par un personnel habile, instruit, en un mot la grande industrie avec toute sa force, sa science, sa hiérarchie, sa discipline. Malgré tout, au point de vue économique, c’est le marinier qui triomphe ; le chaland transporte à bien plus bas prix que la locomotive. C’est qu’aussi le véhicule du marinier, à charge égale, pèse quatre fois et coûte trente fois moins que celui du chemin de fer, et que le travail de traction est bien moindre sur l’eau que sur le rail.

Nous avons tenu à citer cet exemple pour montrer tout ce qu’une canalisation intelligente du bassin de la Loire pourrait apporter d’avantages, non-seulement aux populations et aux campagnes riveraines, mais encore au port de Nantes lui-même, auquel cette canalisation créerait tant de débouchés et dont elle augmenterait singulièrement le fret à l’entrée comme à la sortie. A Nantes, à Saint-Nazaire, nous avons rencontré des houilles françaises qui faisaient concurrence aux houilles importées d’Angleterre. Celles-là avaient été amenées précisément par le canal du Centre, le canal latéral à la Loire et celui du Berry, des riches mines de Blanzy dans le département de Saône-et-Loire. Avec les charbons menus, les poussiers sans aucune valeur, que l’on mêle au brai, au goudron minéral et que l’on comprime mécaniquement, on fait des briquettes. Elles sont d’un arrimage facile et d’un emploi très avantageux dans la navigation à vapeur. La compagnie de Blanzy a fondé une usine à Nantes pour la confection de ces agglomères, et ses chalands, traînés par des remorqueurs à vapeur, venaient dans le principe du port de Monceau, sur le canal du Centre, à Nantes et à Saint-Nazaire. C’est une distance totale de 750 kilomètres, qui n’est guère inférieure que d’un huitième à la distance de Paris à Marseille par le chemin de fer de Lyon-Méditerranée. La navigation par les canaux demande beaucoup plus de temps, mais elle est plus économique que le transport par le rail, et c’est suffisant. On n’attend pas ce charbon à jour et à heure fixes, l’approvisionnement est fait d’avance. Quand il s’agit de consommations annuelles qui peuvent s’élever à plusieurs milliers de tonnes, il suffit d’une économie de quelques francs par tonne pour permettre ou non l’érection d’une usine. Si l’économie n’a pas lieu, souvent l’usine ne peut s’édifier. Qui ne devine dès lors que le bas prix des transports règle