Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(1638), fait communiquer la vallée de la Loire avec celle de la Seine. On marie également la Loire avec le Rhône par le canal du Centre, complété plus tard par le canal latéral à la Loire. Le canal du Centre, projeté dès le règne de François Ier, successivement étudié par Sully, Richelieu, Vauban, les états de Bourgogne, est enfin commencé par ceux-ci en 1783 sous le nom de canal du Charolais, et terminé dix ans après. Gauthey, ingénieur des états, s’illustre dans ce grand travail.

Les voies d’eau, fleuves, rivières ou canaux, sont les meilleures voies d’approvisionnement de nos ports, celles qui leur amènent, aux meilleures conditions possibles, un fret de sortie abondant, comme aussi ce sont les voies qui répartissent le plus loin, avec le plus d’économie, les matières premières apportées par les navires caboteurs ou de long cours. Un bon aménagement des canaux, des rivières et des fleuves navigables d’un pays, est par conséquent le moyen le plus sûr d’augmenter, de doubler la prospérité de ses ports de mer. Et que l’on ne dise pas qu’aux chemins de fer tout seuls incombe aujourd’hui cette importante besogne. Le canal est le moyen de transport prédestiné pour les matières les plus lourdes et de moindre valeur ; c’est en même temps le modérateur, le régulateur naturel des tarifs des voies ferrées, et dans une foule de circonstances, il peut entrer utilement en concurrence avec elles. On ne saurait mieux le prouver que par un exemple frappant, qui se présente précisément dans le bassin de la Loire, sur le canal du Berry, et que M. Krantz met heureusement en lumière dans le remarquable rapport qu’il a présenté à l’assemblée nationale, entre les années 1872 et 1874, sur les voies navigables de la France.

Le canal du Berry, dont le projet fut préparé dès 1484, à la suite de la réunion des états-généraux à Tours, puis étudié par Sully, par Colbert, repris en 1765, exécuté enfin en 1807, le canal du Berry fait communiquer le Cher avec la Loire. Sur le parcours entier on transporte une moyenne annuelle de 300,000 tonnes de marchandises. Bien que la ligne soit défectueuse, mal construite, sujette aux manques d’eau, aux chômages prolongés, ait des écluses trop étroites et de différentes dimensions, elle arrive à lutter Victorieusement contre les voies ferrées qui lui sont opposées. Et par quels moyens ? M. Krantz va nous le dire. L’engin de traction est un âne ; le véhicule, un bateau très économiquement construit, et qui, avec ses agrès, ne coûte jamais plus de 1,500 francs. Le marinier s’y installe avec sa famille. L’âne fournit la force motrice, mais chacun l’aide à son tour. Il prélève sa nourriture sur les francs bords du canal ou dans les prés voisins, qu’il tond de contrebande, Le modeste équipage, presque toujours à pleine charge, fait à peu près 16 kilomètres par jour. Le soir venu, on s’arrête. L’âne est