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c’est aussi celui de nos fleuves qui a le bassin le plus étendu. La vallée de la Loire occupe un cinquième de la superficie totale du territoire ; c’est la plus riche en productions agricoles de tout genre : elle traverse la Touraine, elle nourrit 8 millions d’habitans ; mais la Loire est en même temps celui de nos fleuves dont les inondations sont les plus fréquentes, les plus redoutables, les plus difficiles à prévenir. La Loire descend du grand plateau, granitique et schisteux qui forme le centre et comme le noyau de la France. Le terrain y est à peu près imperméable, et les inondations de la Loire sont à craindre pour peu que la fonte des neiges au printemps arrive subitement, ou que les pluies torrentielles d’automne tombent avec trop de fréquence.

Les malheureuses conditions hydrologiques que l’on vient de rappeler ont frappé de tout temps les ingénieurs. A toutes les époques, on a essayé d’y remédier, même sous les Romains. Sous les Francs, les nautes de la Loire forment une corporation comme ceux de la Seine. Sous la dynastie carlovingienne, des édits royaux, notamment sous Louis le Débonnaire, prescrivent des travaux riverains, des espèces de digues ou levées pour discipliner le régime de la Loire. Sous les rois capétiens, Louis XI entre autres, le pouvoir s’occupe avec sollicitude des endiguemens du fleuve. Au XVIIe siècle, Louis XIV appelle des ingénieurs hollandais, qui imaginent des digues submersibles. En 1730, on essaie d’améliorer le mouillage du port d’Orléans. A la même époque et jusqu’en 1770, une commission d’ingénieurs visite à plusieurs reprises la Loire, et propose de la rétrécir entre Nantes et Paimbœuf, au grand mécontentement des marins. Les hydrauliciens sont sans cesse à l’œuvre ; rien ne les rebute, ils essaient de tout pour améliorer, pour assurer la navigation du fleuve, et en même temps empêcher les inondations : digues submersibles dans la campagne, digues insubmersibles au passage des grandes villes, réservoirs fermés ou barrages ouverts dans les vallées. De 1820 à 1860, on tente de nouveau d’endiguer, de resserrer la Loire, et finalement on s’aperçoit qu’on n’a fait que créer ainsi des obstacles à la navigation et rendre les inondations plus fréquentes. On a même dérangé, paraît-il, le régime des marées, car le flot qui se faisait sentir jusqu’à Ancenis, à 30 kilomètres de Nantes, ne monte plus, dit-on, jusque-là. Peut-être aurait-il mieux valu ne recourir qu’à des draguages prolongés, comme le demandaient tous les mariniers.

On ne s’est pas tenu pour satisfait en tentant, par des efforts séculaires, d’améliorer les allures de la Loire, on a voulu aussi faire communiquer le bassin de ce fleuve avec les autres régions du pays. On a ouvert pour cela des canaux. Le canal de Briare, le premier canal à, écluses superposées et à point de partage construit en France