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création ou de reconstitution récente, tels que Cette ou Dunkerque. En 1876, il est d’ailleurs descendu au troisième rang au point de vue des recettes des douanes, qui ont été les suivantes : Marseille, 43,600,000 francs ; Le Havre, 27,500,000 ; Nantes, 24,800,000 ; Bordeaux, 21,600,000. En 1873, Nantes donnait autant que Marseille, 36 millions.

Nantes, dont le commerce proprement dit ne progresse point comme on serait en droit de l’espérer, tend, comme la plupart de nos ports, à devenir une cité industrielle. La construction des navires y a été longtemps, grâce à l’excellent bois de chêne que fournit la Bretagne, une des premières industries de la place. Aujourd’hui cette industrie est chancelante. Les chantiers sont situés au bord du fleuve, en face de la ville, le long de la rive gauche du bras principal de la Loire, sur l’île qui porte le nom de Prairie-au-Duc. Dans le courant de 1876, il a été construit à Nantes, au Croisic et à Paimbœuf 56 navires, jaugeant ensemble 5,400 tonneaux, ce qui met la moyenne par navire au-dessous de 100 tonneaux. Les chiffres de 1875 étaient beaucoup plus élevés pour le tonnage : 52 navires et 8,600 tonneaux, et c’était déjà une année de décadence. En 1875, les chantiers de construction français ont fourni en navires 37,500 tonneaux et les importations des constructeurs étrangers ont été de 28,000 tonneaux. Par suite des conditions où se trouve notre industrie des constructions navales, les chantiers étrangers fournissent ainsi à nos armateurs 43 pour 100 de leurs instrumens de transport. Aussi quelques constructeurs nantais se plaignent-ils de ne plus recevoir aucune commande et de voir leurs chantiers déserts. Cette crise s’aggrave en se prolongeant ; les ouvriers abandonnent une occupation qui ne leur procure plus qu’un travail intermittent, en éloignent leurs enfans, et l’importante industrie des constructions navales est menacée de disparaître de Nantes. Ce mal n’est pas particulier à ce port, il est général, Marseille, autrefois renommée dans cet art, n’a plus de chantiers ; Bordeaux a vu diminuer les siens. A Gênes, on se plaint également ; en Angleterre, aux États-Unis, dans le monde entier, éclatent les mêmes lamentations de la part de tous les anciens constructeurs La transformation radicale de la marine marchande a amené cet état de choses. Depuis quelques années, la vapeur tend de plus en plus à se substituer à la voile, avec grand profit. Les navires en bois sont remplacés par des navires en fer, et les bâtimens de grande portée, de plusieurs milliers de tonneaux, les clippers, les paquebots, ont détrôné les modestes trois-mâts que nos pères appréciaient tant. La cause du mal est là et non ailleurs. Toutes les primes, tous les droits protecteurs, toutes les surtaxes de pavillon, que réclament avec si grand fracas les constructeurs et les armateurs, n’y