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ici comme ailleurs. C’est le cours naturel des choses, et il n’y a pas à s’y opposer ni trop à s’en plaindre.

Les quais de Nantes profilent surtout leur longue ligne de maisons monumentales sur la rive droite du bras principal de la Loire, où ils s’étendent sur une longueur de 2 kilomètres 1/2. Ils sont moins larges et moins longs que les quais de Bordeaux, auxquels on les a volontiers comparés ; ils sont surtout moins animés. Le fleuve y est aussi moins étendu, moins profond, moins rempli de navires, mais peut-être que les maisons ont en quelques points plus de tournure qu’à Bordeaux.

Un vieux château-fort, au pied duquel commencent véritablement les quais, non loin de la gare du chemin de fer d’Orléans, donne à cette partie de la ville un cachet spécial. C’est une imposante construction féodale dont les fondations datent du IXe siècle et ont dû remplacer quelque oppidum de l’occupation romaine. Ce château a été plusieurs fois restauré. Ses nombreuses tours, ses épaisses courtines, son pont-levis, son grand logis ou donjon, son puits intérieur, en font un type des plus curieux de la vieille architecture militaire. « Les ducs de Bretagne n’étaient pas de petits. compagnons, » dit Henri IV, avec son juron favori, en entrant dans cette forteresse. C’est là que le pacte d’union de la Bretagne à la France a été préparé par le mariage de la duchesse Anne avec Louis XII. Ç’a été aussi une prison d’état. L’ignoble Gilles de Retz, maréchal de France sous Charles VII et chargé d’abominables crimes, y a été enfermé. Entre autres prisonniers célèbres, on cite encore Fouquet et la duchesse de Berry.

La cathédrale, de style gothique fleuri, où l’on remarque un beau tombeau de François II, dernier duc de Bretagne, et de sa femme, un chef-d’œuvre de sculpture dû au ciseau de Michel Colomb, la cathédrale de Nantes forme, avec le château et quelques maisons vermoulues, aux façades revêtues d’écaillés d’ardoisés et dont les cloisons ont défié le temps, à peu près tout ce qu’il reste à Nantes du moyen âge et de la renaissance. Nous avons dit comment le XVIIIe siècle s’était plu à orner cette ville : de nos jours elle s’est encore agrandie, embellie ; elle a un des plus jolis jardins publics qu’on puisse voir, tout ombreux, baigné d’eau, coupé de pelouses toutes vertes ; elle a de belles places, avec des fontaines, des colonnes, des statues, un magnifique hôpital, plusieurs halles ou marchés de grandes dimensions, et elle étale avec orgueil sur les six bras de la Loire, à travers son archipel d’îles, la chaîne pittoresque de ses ponts. Ceux-ci remontent presque tous à plusieurs siècles, et ont été successivement restaures, élargis. Le pont de la Poissonnerie ou d’Aiguillon forme le premier chaînon au nord. Un peu en aval se jette l’Erdre, que l’on a canalisée. C’est de là que