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franc et de net, et les meilleures choses on nous les barbouille. Qu’est-ce que ce détour pour faire arriver Gouvion à la guerre ? Il n’y a personne qui ne voie que c’est ce qu’on veut et qui ne demande pourquoi on ne le fait pas… » Il se préoccupait de tout, de l’état de l’armée, de l’esprit des officiers, qu’il trouvait inquiétant, et en pressant de son mieux l’avènement du maréchal Gouvion Saint-Cyr au ministère de la guerre, il se préparait à être un de ses auxiliaires les plus énergiques dans la réorganisation militaire. Lorsque le nouveau ministre de la justice, M. Pasquier, avait à se débattre avec ce concordat de 1817, dont le chancelier Dambray et la diplomatie de M. de Blacas lui avaient légué l’embarras, De Serre saisissait l’occasion d’écrire au garde des sceaux : « L’avenir dépend presque entièrement de la marche qu’adoptera le ministère. Le renvoi, bien que tardif, de Du Bouchage et de Feltre couvre jusqu’à un certain point les péchés de la marine et de la guerre. Il y a bien de la faiblesse encore aux finances, et le poste, si capital aujourd’hui qu’il est presque décisif, n’est point occupé ; mais c’est toujours ce diable de concordat ! Quant à moi, je le tourne et le retourne, il me reste toujours à la gorge. De quelle huile assez douce composerez-vous la loi dont vous voulez l’envelopper, pour réussir à le faire passer ? vous serez attaqués dedans comme dehors, comptez-y, et sur un aussi mauvais terrain, avec tout le courage du monde vous serez écrasés. Dieu ! Dieu ! tandis qu’on pourrait employer le temps et la force à faire de belles et bonnes et excellentes choses ! .. »

Sans être aux affaires, De Serre avait un ascendant réel sur le ministère comme dans le parlement, et c’est ainsi que par ses opinions, par son talent, par la position qu’il avait prise, il était devenu une sorte de personnage nécessaire. L’importance de l’homme était attestée tout à la fois par le prix que ses amis attachaient à sa réélection au premier renouvellement annuel de l’automne de 1817 et par l’acharnement que ses adversaires de la droite mettaient à le combattre. « Est-il vrai, lui écrivait Royer-Collard avec inquiétude, que votre élection soit contestée ou en péril ? C’est un bruit qui se répand ici depuis quelques jours, et sur lequel nous avons besoin d’être rassurés promptement. Il s’accrédite par les terreurs des uns et par les mauvaises espérances des autres… Combien nous avons besoin de vous ! vous devez à votre pays et à vos amis de ne rien négliger de ce qui peut vous ramener. Répondez-moi à l’instant. Je n’ai plus besoin de vous dire à quel point je suis à vous. » L’élection de De Serre n’était pas précisément en péril ; mais les a ultras » le poursuivaient de calomnies, — jusqu’à répandre qu’il laissait « ses parens mourir de faim ! » Et quant à lui, en rassurant Royer-Collard, il ajoutait : « Il nous est venu des inspecteurs militaires