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humble, trop humble ; elle promettait d’oublier le passé : « Je veux vous aimer dorénavant et je serai même bien aise de vous devoir un service aussi grand que celui de mon retour auprès du roi. »

Le conseil fut réuni, et, sur son avis, Louis XIII écrivit à Charles Ier une lettre assez sèche ; il refusait de prendre aucune résolution jusqu’au rétablissement d’une bonne paix. Il ne faisait pas même allusion à la demande d’argent faite par lord Jermyn. Charles Ier était embarrassé dans ses finances ; la reine mère tomba dans un tel dénûment qu’elle dut prier le cardinal de faire payer ses dettes. Il lui envoya cent mille francs et lui promit que le triple de cette somme lui serait payé annuellement à Florence, si elle s’y rendait ; il lui traçait en même temps un itinéraire pour aller en Italie.

Le vicomte Fabroni travaillait à faire partir la reine mère pour son pays natal ; cet aigrefin garda pour lui presque tout l’argent envoyé par le cardinal, et, voulant tirer de France de plus fortes sommes, il s’avisa de réclamer les arrérages des biens que possédait Marie de Médicis en France. Le cardinal reçut fort mai ces ouvertures, et répondit qu’on avait dépensé les revenus de la reine à mettre en état de défense les places frontières pour les protéger contre les entreprises des ennemis du roi. Charles Ier fut bientôt contraint de renvoyer sa belle-mère : la populace de Londres menaçait le palais de Saint-James, qui était ouvert aux catholiques ; la chambre des communes, le 11 mai 1641, demanda au roi l’éloignement de Marie de Médicis, et vota 9,000 livres sterling pour ses frais de voyage. La reine mère vit mourir en arrivante Flessingue le vertueux père Suffren, âgé de soixante-seize ans, son confesseur depuis vingt-six ans ; elle s’embarqua à Rotterdam pour Cologne, où elle s’arrêta dans l’espoir sans doute d’obtenir quelque chose des plénipotentiaires qui s’y trouvaient réunis pour répondre à l’appel du pape Urbain. Elle y tomba gravement malade, et mourut le 3 juillet, âgée de soixante-neuf ans. La veuve d’Henri IV fut assistée à ses derniers momens par l’archevêque électeur et par les deux nonces, qui représentaient le pape au congrès : pendant sa maladie, elle ne vit d’autres figures que celles de l’avide Fabroni, de son neveu Jules de Médicis, qui depuis peu l’avait rejointe, de l’abbé de Saint-Germain, de Le Coigneux et de Monsigot, anciens serviteurs de Monsieur, qu’elle avait pris à son service. Ainsi finit, entre quelques familiers infimes, loin du Louvre, loin de son Luxembourg, pauvre et délaissée, celle qui avait épousé le plus grand roi de son temps. Ses enfans ne recueillirent pas ses derniers soupirs. Richelieu lui avait tout pris, le prêtre avait vaincu la femme.


AUGUSTE LAUGEL.