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injuste et qui est au détriment de la religion[1]. » Cette lettre fut portée à Rome par l’abbé Fabroni, Ne recevant point de réponse de la cour de Rome, la reine chargea Mazarin de faire parvenir une autre lettre qu’elle écrivait à Louis XIII. On possède cette étrange missive où Marie de Médicis évoque sans cesse Henri IV et supplie son fils de conclure la paix. Mazarin eut soin de montrer cette lettre au cardinal avant de l’expédier au roi, qui était alors en Champagne. Le roi, peu après, vit Mazarin à Saint-Germain et lui dit que la lettre de sa mère ressemblait beaucoup à un manifeste contre la France, qu’il ne pouvait s’en étonner, parce que la reine mère était encore occupée à chercher des ennemis contre la France et venait précisément, sans y réussir, de tenter de détourner de son devoir le duc de Rohan, occupé dans la Valteline.

L’accusation n’était pas sans fondement ; chaque fois que la reine tentait de se rapprocher de son fils, elle fournissait maladroitement à Richelieu quelque moyen de détruire tout l’effet de ses discours. Au reste elle n’avait pas eu plus de succès dans sa tentative de médiation auprès de l’Espagne et de l’empereur qu’auprès du pape et du roi de France.

La campagne de 1636 commença de la manière la plus fâcheuse pour la France. La puissante armée du cardinal-infant envahit tout le nord et fit tomber nombre de places ; le comte de Soissons, appelé à la hâte, prit le commandement, mais il dut quitter la Somme et se replier sur Compiègne pour couvrir Paris. Nos affaires furent rétablies à la fin de l’année, et le cardinal-infant se vit arracher Corbie par une armée commandée par le duc d’Orléans, ayant sous ses ordres le comte de Soissons, les maréchaux de Châtillon et La Force. C’est pendant le siège de Corbie qu’une nouvelle conspiration fut ourdie contre le cardinal. Le complot ayant avorté, Monsieur et le comte de Soissons prirent la fuite. Cette fois Monsieur resta en France et prit le chemin de la Guyenne ; le comte de Soissons fit sa retraite à Bruxelles. Monsieur ne tarda pas à faire son accommodement ; la reine mère s’accrocha au comte de Soissons, elle lui envoya Fabroni à Sedan, où il s’était enfermé ; elle fit pour lui un traité avec l’Espagne, que ce prince refusa de ratifier, car il lui arriva au moment où il venait de se réconcilier avec le roi de France. La méfiance contre les Français était devenue si profonde dans les Pays-Bas, que Marie de Médicis ne sortait plus de ses appartemens à Bruxelles ; elle ne fréquentait même plus l’église voisine de son hôtel, et faisait dire la messe dans son oratoire. Elle prit enfin le parti de

  1. Marie de Médicis au pape Urbain VIII, Anvers, 23 Juillet 1635. — De la collection de M. Rogemans, publiée dans les Annales de l’Académie d’archéologie de Belgique.