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n’avait jamais aimé son frère, il avait à grand regret consenti au premier mariage du duc d’Orléans avec Mlle de Montpensier. Gaston n’était-il pas son héritier ? ne pouvait-il pas avoir des enfans ? sa jeune femme était morte après dix mois de mariage, donnant le jour à celle qui fut depuis nommée la grande Mademoiselle. Marie de Médicis songea tout de suite à le remarier ; elle eut de la peine à décider Louis XIII à lui permettre de négocier un mariage avec la cour de Florence. Louis ne vit pas sans plaisir emprisonner Marie de Mantoue, dont son frère s’était un moment épris ; quand il apprit le mariage lorrain, il en conçut un vif ressentiment. Ce n’est pas que la maison de Lorraine fût indigne de s’allier à la maison de France, mais le duc d’Orléans, héritier de la couronne, ne pouvait se marier sans la permission du souverain. Dès que Monsieur apprit que son secret était connu, il quitta furtivement Tours avec Puylaurens, qui redoutait particulièrement et à bon droit la colère du roi, et parvint à passer dans les Pays-Bas. Il arriva à Bruxelles le 21 novembre 1632. Sa mère avait quitté cette ville pour se rendre à Malines ; elle reçut son fils avec froideur et ne consentit pas à retourner avec lui à Bruxelles. Avant la fin de l’année, elle fixa sa résidence à Gand.

La reine y tomba malade d’une fièvre tierce qui résista à toutes les saignées, et l’infante avertit le roi de France de l’état de sa mère. Louis XIII lui envoya un gentilhomme porteur d’une lettre affectueuse que Richelieu avait dictée : la reine remercia ce gentilhomme, nommé Des Roches ; mais sitôt que celui-ci tenta de lui offrir les complimens du cardinal, elle l’arrêta court, ne voulant point, dit-elle, recevoir de ses nouvelles ni de ses complimens. Elle envoya elle-même un gentilhomme au roi, avec ordre de ne point visiter le cardinal. Monsieur, pendant ce temps, tout en cherchant à se rendre dangereux, permettait à ses affidés, à Puylaurens, au marquis du Fargis, de négocier avec le cardinal. L’infante le savait, comme le marquis d’Aytona, comme Marie de Médicis elle-même, qui sentait s’élargir la blessure que lui avait faite le traité de Béziers. Le cardinal touchait à ses fins, et sa vengeance était complète : après avoir séparé la reine de Louis XIII, il allait la séparer de son second fils, de celui qui avait été jusque-là le favori de son amour maternel, l’objet de ses ambitions et de ses espérances. Les amis de Gaston commençaient à regarder du côté de Richelieu bien plus que du côté de la reine mère ; ils vivaient à Bruxelles dans les plaisirs, étonnant plutôt que charmant la noblesse belge par leur impertinence, leur belle humeur et leur légèreté.

Richelieu voyait ses ennemis divisés ou bien près de l’être ; il tira du duc de Lorraine une vengeance éclatante et sommaire. Il fit entrer