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Ce parlement qu’elle implorait aurait-il, en d’autres temps, eu autre chose d’elle que des mépris ? Quand elle parlait pour l’état, parlait-elle pour autre chose que pour soi ? Quand plus tard son petit-fils osa dire : « L’état, c’est moi ! » ce n’est pas seulement l’orgueil qui lui soufflait cette parole : il avait compris qu’il n’appartenait à personne, hormis au roi, de se donner comme le représentant de la France. Après que Louis XIII eut forcé le duc de Lorraine à signer le traité de vie, le duc d’Orléans fut contraint d’entrer dans les Pays-Bas. Il fut reçu à Bruxelles avec les mêmes honneurs que l’avait été sa mère. L’Espagne était tirée par degrés de sa neutralité, Richelieu avait avoué hautement son alliance avec le roi de Suède, et il n’était plus besoin de le ménager. Le marquis de Mirabel était allé de sa personne au-devant de Monsieur : Olivarès s’était enfin décidé à sortir de l’inaction. Richelieu tenta de faire un accord avec la reine, mais l’arrivée de Monsieur avait rendu celle-ci plus intraitable. Les intrigues de Marie commençaient à porter des fruits en France : Félicie des Ursins, sa parente, ébranlait le duc de Montmorency, son mari ; elle était secondée par les d’Elbène, et surtout par l’évêque d’Alby, originaires de Florence. Richelieu, pour terrifier ses ennemis, fit trancher la tête du maréchal de Marillac, qu’il tenait emprisonné depuis un an, malgré les protestations de la reine mère, qui écrivait aux juges de Marillac « qu’ils en répondraient de leurs biens et de leurs personnes, et qu’elle les prendrait à partie en leurs propres et privés noms, comme complices du cardinal de Richelieu et adhérens au parti qu’il avait formé contre le roi et contre l’état. » On sait comment Monsieur, avec 3,000 chevaux, quitta Bruxelles, comment il passa en Bourgogne, et rejoignit Montmorency dans le Languedoc, enfin comment la bataille de Castelnaudary mit fin à une lutte inégale. Richelieu avait répondu aux encouragemens donnés par le gouvernement des Pays-Bas aux mécontens français en cherchant à soulever les nobles belges ; mais le comte Henri de Bergh ne réussit point à soulever les peuples contre l’infante Isabelle, et ses menées restèrent sans résultat. Les Belges désiraient la paix, ils étaient las des guerres inutiles que l’Espagne soutenait depuis un demi-siècle pour remettre la Hollande sous le joug ; mais le doux gouvernement de l’infante leur donnait une sorte d’indépendance qui leur était chère.

Richelieu cherchait toutes les occasions qui pouvaient lui permettre de brouiller l’infante avec les états ; il demanda l’extradition de deux prêtres attachés à la reine mère, de l’abbé de Morgues de Saint-Germain et du père Chanteloube, prêtre de l’Oratoire, qu’il accusait d’avoir écrit un libelle intitulé Question d’état, où l’on conseillait l’assassinat du cardinal. L’infante répondit qu’elle ne pouvait disposer de personnes qui étaient à la reine mère ;