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pas prendre sur elle de la renvoyer à Aix-la-Chapelle : « Il ne me paraît pas convenable, écrivait-elle à son neveu, que la reine y aille résider, ni dans aucune autre cité impériale ; ce n’est ni sûr, ni décent… Et quelle honte ne serait-ce pas pour nous ! Les Français ne manqueraient pas de publier partout que nous avons eu peur, et la reine, au lieu de reconnaissance, n’éprouverait que du ressentiment contre ceux qui, après l’avoir reçue, l’obligeraient à se retirer dans une ville étrangère où elle ne trouverait ni commodité, ni protection. Cette semaine, en parlant à la marquise de Mirabel, elle lui disait que, si la chrétienté lui refusait du secours, elle irait en demander au Turc. » (30 septembre 1631.)

L’infatuation de Marie de Médicis nous semble, à la distance de plus de deux siècles, quelque chose d’inexplicable ; elle croyait sincèrement à son bon droit, elle prétendait soustraire le roi de France, son fils, à la tyrannie d’un ministre exécrable. Monsieur, de même, dans les patentes distribuées à ceux qui faisaient des levées en son nom dans le comté de Montbéliard, dans le pays de Liège, ne parle que de « l’ambition prodigieuse et l’audace effroyable du cardinal de Richelieu » et de « l’estât auquel il a réduit la personne du roy. » Sous ne parlerons ici des entreprises de Monsieur que dans ce qui touche Marie de Médicis et le gouvernement des Pays-Bas. Le maréchal de La Force dut livrer un combat contre un régiment liégeois sur le territoire des Pays-Bas ; l’agent français à Bruxelles apporta à l’infante les excuses de son gouvernement, et les conseillers de la princesse la décidèrent à s’en contenter. De tels incidens pouvaient faire éclater la guerre, que Philippe IV redoutait. L’infante avait trop encouragé les levées de Monsieur, et ces maigres levées étaient devenues une gêne pour tout le monde. Personne ne bougeait en France : l’empereur n’était occupé que des progrès du roi de Suède ; Charles Ier se débattait contre son parlement, le duc de Savoie ne faisait rien pour Marie de Médicis, sa belle-mère. Celle-ci en était réduite à faire imprimer les lettres que son fils ne voulait plus recevoir[1]. Au moment où sa présence dans les Pays-Bas pouvait à tout moment faire éclater la guerre Avec l’Espagne, elle accusait Richelieu de chercher à rompre la paix avec la maison d’Autriche. Elle écrit au parlement : « Vous estes les seuls qui avez donné en ces occasions des preuves de courage et d’amour de vostre patrie ; vous avez la gloire d’avoir porté pour le public des souffrances mémorables à la postérité… Dieu vous fera la grâce de sauver le roy et l’estat, » Étrange langage ! cette patrie qu’elle invoquait dans son exil, savait-elle seulement ce que c’était ?

  1. Lettre escritte au roy par la reyne mère de sa majesté. Bruxelles, 20 décembre 1631.