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Madrid sur les projets des émigrés. Philippe IV, fidèle, en dépit de tout, à son titre de roi catholique, ne voulut pas entendre parler de livrer Calais à l’Angleterre, comme le méditaient quelques-uns des ennemis de Richelieu. « Le roi d’Angleterre étant hérétique et cette place catholique, je pense qu’il ne convient pas de la lui livrer. » Ses conseillers rappelèrent les embarras autrefois causés dans les Pays-Bas par le duc d’Alençon, par la reine Marguerite de Navarre ; l’armée du roi de France, ses vieux régimens, sa garde avaient-ils beaucoup à craindre d’une petite armée de mécontens, sans forteresses, qui fondrait comme la neige et serait perdue après une défaite ? Il leur parut qu’on ne pouvait s’embarquer dans l’affaire de la reine mère sans avoir avec soi l’empereur, le roi d’Angleterre, les ducs de Savoie et de Lorraine ; si cette ligue n’était formée, la plupart des conseillers exprimèrent le désir que la reine mère fût internée dans quelque ville et, si c’était possible, envoyée à Aix-la-Chapelle.

Ces résolutions furent communiquées à la gouvernante des Pays-Bas au moment même où elle épuisait pour Marie de Médicis tout le faste et toutes les délicatesses de la plus généreuse hospitalité. La reine mère s’était rendue d’Avesnes à Mons, où elle avait été reçue avec le cérémonial en usage pour les souverains ; elle y passa quinze jours, visitant les églises, et assistant à des bals. De La Serre, historiographe de France, a laissé une Histoire curieuse de tout ce qui s’est passé à l’entrée de la reine mère du roi très chrestien dans les villes des Pays-Bas. Il raconte comment Marie de Médicis alla au-devant, de l’infante, qui venait de Mariemont pour la saluer, comment les deux princesses se rencontrèrent à mi-chemin de Mariemont et de Mons. Le frontispice du livre les montre s’embrassant au milieu de la route, l’infante, vieille, amaigrie, vêtue de la robe des Pauvres-Claires, comme on la voit dans le beau portrait de Van-Dyck conservé au musée de Berlin, avec son œil noir, ses grands traits qui rappelaient les Valois plutôt que Charles-Quint. L’infante rentra à Mons avec la reine mère, puis la conduisit par Mariemont à Bruxelles. Elle la mena ensuite à Anvers, lui donnant partout des « entrées » royales. Les deux princesses assistèrent dans cette ville à la procession de la kermesse, elles se rendirent à la maison de Rubens, à l’atelier de Van-Dyck, et visitèrent l’imprimerie de Balthasar Moretus, le petit-fils de l’illustre Plantin. Les princesses allèrent ensuite passer en revue la flottille de Jean de Nassau.

Ces stériles honneurs servaient de couvert à la froideur de l’Espagne. Philippe IV ne songeait qu’à faire la paix avec la Hollande, loin de chercher à commencer des luttes nouvelles contre la France. L’infante, bien qu’elle eût déjà soixante-cinq ans, était plus ardente, plus désireuse de soutenir la reine mère ; elle ne voulait