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demanda à Olivarès la permission pour les émigrés français de lever des troupes dans les Flandres. « A cette époque, dit avec raison M. Henrard, ces pratiques n’étaient pas considérées comme aussi contraires au droit des gens qu’elles le seraient de nos jours, et depuis de longues années déjà, la France, en paix avec l’Espagne, entretenait cependant de ses subsides et même de ses propres soldats, enrôlés sous les drapeaux des Provinces-Unies, la guerre que celles-ci faisaient aux Pays-Bas espagnols. » Et l’Espagne pouvait, sans déclarer la guerre à la France, encourager et aider les émigrés français. « Jamais, écrivait d’Aytona à Philippe IV, il ne s’est présenté une occasion comme celle-ci d’humilier vos plus grands ennemis : votre majesté, ni aucun de ses royaux prédécesseurs, n’a jamais eu comme maintenant entre les mains une reine qui, après avoir longtemps gouverné la France, a obligé tant de gens, et un frère du roi, le seul héritier de la couronne. » Philippe IV, qui avait disputé à Henri IV la primauté politique en Europe, put savourer le plaisir de tenir engagés dans ses liens la veuve et un fils de son grand rival : il comprit toutefois que, pour trop triompher, on perd quelquefois le prix du triomphe ; le scandale qui réjouissait les ennemis de la France assurait la toute-puissance de Richelieu ; de plus petits ennemis du cardinal eussent été plus commodes à l’Espagne. Embrasser ouvertement la cause de la reine mère, c’était déclarer la guerre à la France. « Dès qu’elle sera chez nous, écrivait Olivarès en apprenant que le duc de Lorraine voulait la faire passer dans les Pays-Bas, nous ne pourrons traiter que sur les bases d’une restitution intégrale de tous les honneurs dont elle jouissait… Il pourra même arriver que nous nous trouvions engagés si loin que nous soyons obligés de recourir aux armes. » (5 août 1631.) Quand Philippe IV apprend l’arrivée de la reine mère, il écrit lui-même à l’infante : « Personne ne manquera de croire et ils se persuaderont en France et partout que cette fuite a été exécutée avec mon consentement et mon concours : donner la reine mère comme Espagnole sera un excellent moyen de la discréditer… La France, qui cherche un prétexte pour nous attaquer, pourra s’emparer de celui-là, et ceux qui sont autant que moi intéressés à soutenir la cause de la reine s’en retireront en la voyant dans mes états et donneront à entendre qu’en l’y recevant j’ai assumé l’obligation de la secourir. » (13 août 1631. Archives espagnoles.) Le roi n’a plus qu’une idée : faire sortir Marie de Médicis de ses états ; mais sa fierté ne lui permet pas de donner ouvertement ce conseil, il cherche à le faire venir d’ailleurs, d’Angleterre, de la Lorraine, de Florence, de la Savoie ; tout au moins ne veut-il rien entreprendre sans ses alliés, et sans que l’on trouve un corps aux projets de la reine mère et de Monsieur. On ne se fait pas beaucoup d’illusions à