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chose à faire… » C’était en effet la situation, telle que l’avaient créée la dissolution du 5 septembre et les élections nouvelles, situation transformée, adoucie, mais difficile, encore, où les « ultras » revenaient en minorité, avec l’exaspération de leur défaite et la ténacité de leurs passions, où le gouvernement se trouvait conduit par la logique à chercher son appui dans les élémens modérés du centre.

Le ministère ne pouvait se plaindre d’un résultat pour lequel il avait risqué l’acte hardi du 5 septembre. Il avait créé ces conditions, il les acceptait. Par ses actes, par ses choix, il témoignait l’intention évidente de suivre la politique de modération à laquelle il s’était attaché. Non-seulement il se complétait lui-même et se fortifiait par l’adjonction successive de M. Pasquier, du maréchal Gouvion Saint-Cyr, de M. Molé, il appelait encore au conseil d’état Camille Jordan, Maine de Biran, M. Guizot, jeune encore et déjà important, à côté de M. Mounier, de M. de Barante. M. Decazes mettait toute son habileté à seconder cette politique d’extension libérale. En réalité cependant le ministère hésitait et flottait assez souvent, il avait ses retours vers la droite. Le duc de Richelieu, avec sa parfaite sincérité, ne pouvait se défendre de certains mouvemens de défiance et d’humeur à l’égard de ses nouveaux alliés. Il ne se séparait pas sans chagrin des royalistes extrêmes. « Il est bien dur, disait-il avec émotion, que nous soyons obligés de frapper des hommes qui sont à la vérité nos ennemis, mais qui ont été pendant vingt-cinq ans les défenseurs de la monarchie. Ce n’est pas notre faute, nous ne pouvons pas faire autrement ; mais la chose est tellement affligeante que je suis souvent prêt à déserter et à aller me cacher au fond d’un désert… » A dire vrai, si M. Decazes, par goût ou par calcul, se sentait attiré vers le centre gauche, auquel il venait de donner le gage de l’ordonnance du 5 septembre, le duc de Richelieu ne pouvait détacher ses regards de la droite en guerre avec le gouvernement. C’est l’essence de ce ministère mis en présence de son œuvre de 1816.

La position de De Serre avait singulièrement grandi dans ce second parlement de la restauration. Il avait été l’orateur énergique et hardi de la minorité dans la première chambre de 1815, il était de la majorité dans la chambre nouvelle de 1816, et si un homme semblait fait pour représenter dans son esprit, dans ses tendances, cette assemblée issue d’une élection relativement libérale, c’était lui. Il l’a représentait si bien qu’aux premiers mois de 1817, lorsque M. Pasquier, nommé un moment président de la chambre, entrait au ministère de la justice, il était naturellement choisi par ses collègues et accepté par le roi pour prendre la direction des travaux parlementaires. « On vous veut pour président, » lui écrivait M. Pasquier