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ce lit, dit Pline, l’eau s’échappe de tous les côtés par de petits tuyaux, comme si c’était le poids de celui qui s’y couche qui la faisait jaillir[1]. » Pour compléter cet ensemble, il faut imaginer des bains, des piscines, des jeux de paume, des portiques qui s’étendent dans tous les sens pour jouir de toutes les expositions, des allées sablées pour les promenades à pied, d’autres dont le sol est plus ferme, et qui conviennent mieux aux courses en litière, enfin, pour ceux qui veulent aller à cheval, un vaste hippodrome, formé d’une longue allée, droite et sombre, qu’ombragent des platanes et des lauriers, tandis que de tous côtés serpentent des allées circulaires, qui se croisent et se coupent de manière à rendre l’espace plus grand et la promenade plus variée. Voilà ce qu’on devait trouver dans la villa d’un homme riche, mais rangé, qui, sans faire de folies, tenait à être commodément logé à la campagne pour s’y reposer à l’aise.

Nous n’avons rien dit des parcs et des jardins, ce qui peut sembler étrange quand il est question d’une maison de campagne ; mais il est assez difficile d’en parler. Comme on le pense bien, c’est ce qui dans les villas antiques s’est le moins conservé. Nous n’avons plus, pour juger ce qu’ils devaient être, que quelques peintures où ils sont tant bien que mal représentés, et ce que les écrivains nous en disent par hasard. Ces témoignages sont assez incomplets et ne satisfont qu’à moitié notre curiosité, mais ils ont au moins cet avantage d’être tout à fait d’accord ensemble. Parmi les paysages qui décoraient les maisons anciennes, on a retrouvé, soit à Pompéi, soit à Rome, quelques peintures de jardins : ce sont toujours des allées régulières, enfermées entre deux murs de charmilles, et qui se coupent à angle droit. Au centre se trouve d’ordinaire une sorte de place ronde avec un bassin sur lequel nagent des cygnes. De distance en distance, on a ménagé, de petits cabinets de verdure, formés de cannes entrelacées et couverts de vignes, au fond desquels on aperçoit une colonne de marbre ou une statue et des sièges placés tout autour pour permettre aux promeneurs de se reposer un moment. Ces peintures font souvenir de ce mot de Quintilien qui exprime d’une façon naïve le goût de son temps : « Est-il rien de plus beau qu’un quinconce disposé de telle manière que, de quelque côté qu’on regarde, on n’aperçoit que des allées droites ? » Ces écrivains

  1. C’est une fantaisie de ce genre qui avait donné naissance à la fameuse volière de Vairon, si vaste, si belle, si pleine de complications ingénieuses, si peuplée d’oiseaux rares. Le milieu de la volière formait une salle à manger où la table et les lits des convives étaient entourés d’une eau courante, en sorte qu’en mangeant les mets les plus délicats on pouvait voir nager les poissons à ses pieds et entendre chanter autour de soi les merles et les rossignols.