Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Polygnote. Le temps les a toutes détruites ; mais il n’a pu ôter à ce simple mur de briques son air de grandeur et de majesté. C’est assurément une des plus belles ruines romaines qui nous restent, et l’admiration qu’on éprouve en le regardant augmente encore quand on songe au chef-d’œuvre grec qu’il rappelle et dont il est le dernier souvenir.

Un peu plus bas que le Pœcile, vers la gauche, on rencontre des ruines importantes sur lesquelles il n’est pas possible de se tromper : la forme du terrain indique qu’il y avait là un stade. Tous les empereurs qui aimaient la Grèce, comme Hadrien, affectaient d’être passionnés pour les jeux des athlètes, à peu près comme au siècle dernier nos grands seigneurs, qui voulaient se mettre à la mode de l’aristocratie anglaise, ne parlaient jamais que de chevaux et de jockeys. Le stade était entouré de grands bâtimens qui n’ont pas été encore bien explorés. Ce sont des bains, des exèdres, des corridors souterrains et un portique qui a plus de 100 mètres de long. M. Daumet pense, avec assez de raison, que tous ces édifices voisins du stade devaient être réservés aux exercices des lutteurs, et il y reconnaît la Palestre et le Xyste. Hadrien, on le voit, ne négligeait pas ses plaisirs. Il est vraiment remarquable qu’on ait trouvé dans sa villa tant de monumens qui se rapportent aux jeux scéniques et athlétiques. Indépendamment du stade et de ce qui l’entoure, d’un gymnase, d’un Odéon, situé du côté de l’habitation privée, il reste encore deux théâtres dont les ruines sont assez reconnaissables. L’un d’eux, le mieux conservé, se trouve au nord de la villa, à l’endroit par lequel on y pénètre aujourd’hui. Il est précédé d’une grande place carrée qui devait servir de promenade aux spectateurs. Certains détails de construction ont fait penser que c’était un théâtre grec. Le théâtre latin est un peu plus haut, du côté de la vallée de Tempé. Il est fort détérioré aujourd’hui, mais on dit qu’au dernier siècle on y voyait encore les revêtemens de marbre de l’orchestre et les bases des statues qui ornaient le podium. Il faut convenir que cette abondance de théâtres est assez surprenante dans un siècle où l’art dramatique était si peu cultivé. Encore comprendrait-on l’existence du théâtre grec. Un prince lettré comme Hadrien et qui avait le goût des choses délicates pouvait aimer à y entendre les pièces de Ménandre ; ce grand poète, qui connaissait si bien la vie et l’avait si finement dépeinte, gardait tout son empire sur une société élégante et distinguée. On l’étudiait dans les écoles, on le lisait dans le monde, et nous savons qu’on le jouait à Naples au premier siècle ; mais que pouvait-on bien représenter sur le théâtre latin de la villa de Tibur ? Est-il probable qu’on remontât jusqu’à Plaute, à Cæcilius, à Térence ? Ces retours d’admiration étaient alors assez à la mode. Hadrien se piquait de