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observation qu’il avait entendu faire à M. Rosa, et qui trouve ici son application naturelle. En explorant les environs de Rome, M. Rosa a retrouvé, sur les montagnes de la Sabine et du Latium, les restes d’un grand nombre de villas où les riches Romains se réfugiaient pendant les chaleurs de l’été. Dans ces villas, comme dans celles qui subsistent encore de la renaissance italienne, la maison d’habitation est toujours située au-dessus des bâtimens accessoires, à l’endroit le plus élevé du terrain. Il était naturel en effet que le maître souhaitât dominer la plaine et jouir de la vue la plus étendue et la plus variée. S’il en était ainsi dans la villa d’Hadrien, et rien n’empêche de le croire, c’est un peu plus loin vers le midi, sur le plateau où Ligorio place l’Académie et Canina le Gymnase, qu’il faudrait chercher l’habitation privée du prince. Là se trouvent des ruines considérables, qu’on a jusqu’ici assez mal explorées, mais qui contiennent évidemment les restes de salles et de chambres somptueuses[1]. C’est la partie la plus élevée de la villa, celle aussi où l’on a le plus bâti de constructions souterraines pour maintenir le sol à la même hauteur. De là partent des cryptoportiques creusés dans le tuf qui conduisaient l’empereur dans ses jardins quand il voulait s’y rendre sans traverser les autres bâtimens. Une observation importante à faire, c’est que les briques qu’on a trouvées en cet endroit sont celles qui portent la date la plus ancienne. Elles sont de l’année 123, c’est-à-dire antérieures aux autres de près de douze ans. N’est-on pas en droit d’en conclure, dit M. Daumet, que cette partie de la villa fut l’origine de tout le reste, qu’Hadrien commença par se construire une maison pour lui, qu’il prit goût à l’habiter, qu’il y revenait volontiers après ses voyages, et qu’autour d’elle vinrent successivement se grouper tous les autres édifices ?

Mais alors quelle pouvait être la destination des ruines magnifiques qui bordent la vallée de Tempé ? M. Daumet suppose que c’était la partie de la villa où l’empereur donnait ses audiences et recevait ses hôtes. Quand on a étudié la topographie du Palatin, on sait que les césars ont souvent tenu à séparer leur résidence officielle de leur demeure privée, et que précisément à l’époque des Antonins ils avaient, sur la colline impériale, deux maisons distinctes, celle où ils remplissaient leurs fonctions souveraines et celle où ils étaient heureux de vivre comme des citoyens ordinaires. Il n’est pas étonnant que la même disposition se retrouve dans la villa de Tibur. L’habitation particulière du prince était sur le plateau dont on vient de parler ; nous avons ici ses appartemens officiels. Cette dernière partie de la villa est celle que M. Daumet a le plus spécialement

  1. C’est dans une de ces chambres qu’a été trouvée la mosaïque des colombes, ce qui prouve qu’Hadrien, tout en s’occupant d’orner et d’embellir les appartenions destinés aux pompes officielles, ne négligeait pas son habitation privée.