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C’était surtout pour les sites qu’il fallait mettre beaucoup de complaisance dans les rapprochemens. Comment espérer, par exemple, de pouvoir reproduire la vallée de tempe dans la petite plaine qui s’étend au pied de Tibur ? On ne trouvait rien là qui ressemblât à ces hautes montagnes couvertes de bois séculaires, qui s’élèvent, dit Pline, au-delà du regard des hommes, et donnent à la véritable Tempé un mélange de grandeur et de grâce qu’admirent tous les voyageurs. Il y avait pourtant au nord de la villa un petit ruisseau qui courait dans une plaine agréable ; on y multiplia les ombrages, on en lit un lieu de promenades charmantes, et, comme les allées y étaient fraîches et touffues, qu’on avait grand plaisir à s’y reposer près de l’eau, sous les grands arbres, et qu’on se rappelait alors les momens heureux qu’on avait passés à parcourir la belle vallée de Thessalie, on lui en donna le nom[1]. Avec les monumens, on était plus à l’aise, et il y en avait, comme le Pœcile, qui pouvaient être exactement reproduits. Il est pourtant probable que cette exactitude devait être assez rare. M. Daumet fait remarquer que dans les ruines de ces Lycées, de ces Gymnases, de ces Prytanées, c’est-à-dire de ces monumens grecs que l’architecte prétendait imiter, on retrouve partout la voûte romaine : n’est-ce pas la preuve, ajoute-t-il, qu’il ne se piquait pas d’une fidélité scrupuleuse, et qu’en conservant à ces édifices leur nom étranger il les avait appropriés au goût de son temps et aux usages de son pays ?

Dans tous les cas, il y avait une partie de la villa où ces imitations devaient être plus rares : c’était celle qui contenait l’habitation de l’empereur. Un prince âgé, qui aimait le bien-être et tenait à ses habitudes, avait dû bâtir sa demeure pour lui et se serait trouvé mal à son aise dans un monument grec du siècle de Périclès. Il est donc probable que dans cette réunion d’édifices de divers pays et de divers temps il y en avait un tout à fait de l’époque d’Hadrien, accommodé à ses goûts personnels et aux nécessités de sa position, et destiné à lui servir de demeure. Mais où faut-il le placer ? Depuis le temps de Ligorio, on désigne sous le nom de palazzo imperiale un grand amas de ruines qui s’étend au nord de la villa, le long de ce qu’on est convenu d’appeler la vallée de tempe. M. Daumet ne partage pas tout à fait l’opinion commune. En étudiant de près ces ruines, il a remarqué qu’elles contiennent des portiques, des exèdres, des salles magnifiques, mais il n’y a point trouvé de traces de ces appartemens intimes et retirés qui pouvaient servir à l’habitation d’un grand personnage. Il s’est souvenu d’ailleurs d’une

  1. N’oublions pas d’ailleurs que ce nom était devenu général chez les Romains, et que, dans les villas, toutes les vallées agréables et fraîches s’appelaient Tempé.