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ceux de l’Italie méridionale, ils sont à peu près vides pendant l’été, c’est-à-dire dans la saison où l’on a le plus besoin qu’ils soient pleins. On y suppléait par des aqueducs dont on a retrouvé les restes au nord de la villa et qui apportaient en abondance, soit dans le lit desséché des ruisseaux, soit dans les appartemens du palais, les eaux fraîches et saines de la montagne.

Jusqu’ici nous ne trouvons rien dans la villa d’Hadrien qui ne se rencontre aussi dans les autres ; il n’y en avait pas, au moins quand elles appartenaient à de grands personnages, qui ne fût placée dans une situation salubre, pourvue, s’il en était besoin, de grands travaux souterrains, et richement dotée d’eaux vives : voici où commence l’originalité de celle qui nous occupe. Comme rien n’avait plus intéressé Hadrien que ses voyages, il voulut, même après qu’il y eut renoncé, en conserver des souvenirs vivans autour de lui. Son biographe raconte qu’il attacha à certaines parties de sa villa de Tibur les noms des plus beaux endroits qu’il avait visités. On y trouvait le Lycée, l’Académie, le Prytanée, Canope, le Pœcile, la vallée de Tempé, « et même, ajoute Spartien, pour que rien n’y manquât, il avait imaginé d’y faire aussi une reproduction des enfers. » Ce texte peut donner lieu à beaucoup de discussions. Il y a des auteurs qui supposent qu’il faut le prendre à la lettre et qui veulent qu’Hadrien se soit astreint à faire des copies exactes de tout ce qu’il avait admiré dans ses voyages. Canina surtout s’acharne à ces ressemblances. Si on le croyait, il n’y aurait pas, dans tous ces débris, un pan de muraille qui ne fût l’imitation de quelque monument important. Il ne voit pas que c’est le moyen de rendre Hadrien fort ridicule. Est-il possible d’imaginer un plus sot projet que celui de faire tenir toutes les curiosités du monde dans un espace aussi étroit ? Quel effet pouvaient produire au visiteur ces réductions de montagnes, ces vallées en miniature, ces monumens amoncelés ? Hadrien, on le sait, était un artiste habile, un ami et un admirateur éclairé de l’art grec ; quel plaisir aurait-il pu trouver à tourmenter la nature pour lui faire produire des ressemblances qui ne pouvaient jamais être qu’incomplètes ? On nous dit qu’il voulait que sa villa lui rappelât sans cesse les merveilles qu’il avait vues ; mais ces contrefaçons mesquines étaient plus propres à gâter ses souvenirs qu’à les conserver. Heureusement le texte de Spartien ne nous force pas à admettre toutes ces exagérations. Il dit simplement que l’empereur construisit sa maison de campagne de manière à y pouvoir inscrire les noms les plus célèbres des lieux qu’il avait visités (ita ut in ea et provinciarum et locorum celeberrima nomina inscriberet), ce qui permet de supposer qu’il ne tenait pas à pousser les imitations trop loin et se contentait le plus souvent d’un à peu près.