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qu’on puisse attribuer à une autre époque. Elle a donc eu la bonne fortune assez rare de n’être pas trop modifiée et de traverser les siècles en portant la marque particulière du prince qui la fit bâtir et de l’époque où elle fut construite. Les richesses de toute sorte qu’on a trouvées dans les décombres ont fait supposer qu’elle n’avait pas été dépouillée tant que dura l’empire. Elle dut sans doute beaucoup souffrir quand Totila ravagea les environs de Tibur, prit la ville d’assaut et en massacra tous les habitans. À partir de ce moment, la ruine commença pour elle ; les grandes salles s’effondrèrent, la charrue passa sur les allées, et les jardins devinrent des champs de blé. Il en restait pourtant encore d’importans débris au XVe siècle. L’illustre pape Pie II, qui la visita, parle avec admiration des voûtes des temples, des colonnes des péristyles, des portiques, des piscines, qu’on y pouvait distinguer encore. « La vieillesse déforme tout, ajoutait-il tristement. Le lierre grimpe aujourd’hui le long de ces murailles, autrefois couvertes de peintures et d’étoffes d’or ; les ronces et les épines croissent où s’asseyaient les tribuns vêtus de pourpre, et les serpens habitent les chambres des princesses. Telle est la fortune des choses mortelles : » Ces ruines même étaient destinées à disparaître. Pour la villa d’Hadrien, comme pour les autres monumens antiques, la renaissance fut plus fatale que la barbarie : pendant le moyen âge, on l’avait laissée périr ; on la détruisit systématiquement à partir du XVIe siècle. Selon l’usage, on y fit des fouilles pour y chercher les statues, les mosaïques, les peintures, qu’elle pouvait contenir encore, et dans ces recherches les murailles qui étaient restées debout achevèrent de s’écrouler. La villa d’Hadrien s’est trouvée, pour son malheur, beaucoup plus riche en ce genre que toutes les autres ruines qu’on a fouillées ; elle est devenue, pendant trois siècles, une sorte de mine inépuisable qui a fourni de chefs-d’œuvre tous les musées du monde. C’est de là, par exemple, que sont sortis le Faune en rouge antique, les Centaures en marbre gris et l’Harpocrate du Capitole, les Muses et la Flore du Vatican, le bas-relief d’Antinoüs de la villa Albani et l’admirable mosaïque des colombes que l’art moderne a tant de fois reproduite. On comprend qu’un édifice d’où l’on tirait tant de merveilles ait été pli » consciencieusement dévasté que tous les autres. Le pillage a duré jusqu’à nos jours. Il y a quelques années encore la famille Braschi, qui possédait le terrain, avait aliéné à une compagnie le droit d’exploiter ces ruines, et l’on juge de quelle manière opérait la compagnie, qui voulait rentrer dans ses fonds le plus vite possible. Heureusement le gouvernement italien a fait cesser ce scandale en achetant la villa.

En l’état où toutes ces dévastations l’ont mise, la villa d’Hadrien