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d’un autre genre qui pourraient naître chemin faisant. Tout cela aurait trop l’air d’une taquinerie ridicule, ou ce ne serait que le déguisement d’une guerre systématique, préméditée, poursuivie à travers tout pour arriver à la disparition plus ou moins volontaire, plus ou moins forcée de M. le maréchal de Mac-Mahon, — et si c’était là en effet une partie du système, la question reviendrait toujours à savoir si dans l’intérêt de la république il y a de la prévoyance à pousser cette guerre jusqu’au bout.

Oui, sérieusement, c’est une question grave de savoir si les républicains eux-mêmes sont intéressés à renverser M. le maréchal de Mac-Mahon, ou même à lui créer des conditions tellement difficiles qu’il doive être amené à se démettre volontairement. Qu’on y réfléchisse bien, il s’agit aujourd’hui de résolutions décisives, d’un plan de conduite auquel tout ce qui n’est qu’incident doit rester nécessairement subordonné. La difficulté immense a été jusqu’ici d’arriver à la constitution régulière de la république, la difficulté qui reste encore à résoudre est de la faire vivre, de l’acclimater. Jusqu’ici la république en France n’a eu qu’une existence artificielle, agitée et éphémère. Toutes les fois qu’elle a reparu, elle est invariablement morte de mort violente ; elle a disparu dans les convulsions et sous les coups de la force, faute d’être constituée de façon à offrir des garanties d’ordre et de durée pacifique. Aujourd’hui elle a une organisation conservatrice, elle est à peu près sure, si on y met de la bonne volonté, de franchir son étape, d’arriver au terme légal fixé par la constitution, et à ce moment, dans l’état des partis monarchiques, elle a encore tout droit d’espérer pouvoir renouveler son bail, si on nous passe cette expression. Eh bien ! c’est sur ce point que nous appelons l’attention de tous les républicains sérieux. Est-on intéressé à montrer que la république ne peut décidément pas aller jusqu’au bout de son bail, qu’elle ne peut franchir son étape sans laisser en chemin un morceau de la première constitution conservatrice qu’elle ait eue ? A-t-on réellement intérêt à renouveler le spectacle de cette instabilité invariable, des agitations qui en résulteraient inévitablement ? voilà la question, et si pour éviter le danger il y a des sacrifices nécessaires, des concessions indispensables, pénibles si l’on veut, on doit les accepter résolument, ne fut-ce que pour s’épargner les périls et les crises du lendemain. La vérité du moment est là, et c’est ainsi que du fond des choses naît la nécessité d’une transaction utile au parlement, à la majorité républicaine, comme à M. le maréchal de Mac-Mahon, et avant tout utile au pays qui l’attend.


CH. DE MAZADE.