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donné un mandat d’irréconciliabilité. Le pays laborieux et sensé demande simplement qu’on mette fin par des moyens réguliers à une situation qui a trop duré, qui pèse sur ses intérêts. Voilà qui est clair et qui domine tout ! Il faut enfin plus que jamais une solution par une autre raison qui pour être de circonstance n’en est pas moins impérieuse aujourd’hui. On a décrété une exposition universelle. L’idée a été heureuse ou prématurée, peu importe, ce n’est même plus à discuter. Un grand rendez-vous a été donné pour le printemps prochain à l’industrie du monde entier, et ce rendez-vous, presque toutes les nations l’ont accepté. Tout est déjà fait, les palais s’élèvent rapidement et vont être prêts. De toutes les parties de l’univers, on se dispose à revenir dans ce Paris qui sera toujours Paris malgré ses fautes, dans cette France qui sera toujours l’hospitalière et brillante France malgré ses malheurs. Nous le demandons : est-il admissible que pour des conflits intérieurs, par des crises obstinées qui nécessairement s’aggraveraient en se prolongeant, on expose la France à échouer dans une telle entreprise, à décourager ceux qui voudront venir vers elle par le spectacle de ses troubles et de ses dissensions, par l’incertitude d’une hospitalité livrée aux chances de l’imprévu ? Ce n’est qu’une exposition de l’industrie, soit. Ici cette exposition universelle s’élève à la hauteur d’une question de gouvernement. C’est l’intérêt de la bonne renommée extérieure de la France sollicitant très humblement la paix des pouvoirs qui après tout sembleraient les premiers chargés de ne pas le compromettre par des rivalités inutiles ou intempestives.

Où donc serait d’ailleurs l’impossibilité de cette transaction devenue impérieusement nécessaire, d’une solution qui, ne fût-elle pas l’idéal des solutions, suffirait à tout sauvegarder ? Où est l’incompatibilité absolue entre les pouvoirs qu’on s’efforce de mettre en guerre plus qu’il ne le faudrait ? Raisonnons un peu, en écartant les exagérations de parti, les déclamations et les dilemmes retentissans qui ont la prétention d’être de la politique. Cherchons, s’il se peut, ce qui rapproche et non ce qui divise. Qu’a voulu réellement le pays dans son dernier vote, dans ce vote qui reste le premier élément de la situation où nous avons été jetés ? Le pays s’est prononcé avec éclat pour le maintien de la république, pour l’intégrité de la constitution, et, cela est évident, les hommes qui ont eu ses préférences ont été nommés parce qu’ils constituaient une force parlementaire sauvegardant ces deux choses. C’est là le caractère supérieur du scrutin du 14 octobre, tout le reste est secondaire ; mais, qu’on le remarque bien, M. le maréchal de Mac-Mahon, qui représente l’autre pouvoir appelé à entrer en transaction, n’a point absolument à se désavouer pour se remettre d’accord avec cette pensée des élections dernières. Il n’a cessé de répéter que la république n’était point en cause, qu’il se considérait comme le gardien de la constitution.