Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vement électoral avec la résurrection d’un des abus de prépotence les plus crians de l’empire, et il n’a pas compromis seulement l’administration dans son personnel, dans ses moyens d’action : il s’est efforcé d’entraîner la magistrature ; il a engagé le nom, l’autorité, le prestige de M. le président de la république dans une campagne sans issue. S’il n’a pas dépassé les lois, il est allé jusqu’au bout, jusqu’à la dernière limite. En un mot, il a tout fait, il a risqué d’épuiser d’un seul coup le crédit et la force d’un gouvernement ; il a remué la France jusque dans ses profondeurs, — et pour quel résultat ? Pour conquérir quelques sièges dans la chambre, pour finir par un déplacement de quarante voix qui ne change pas la minorité en majorité ! Six mois sont presque passés, il n’a réussi qu’à nous ramener à la veille du 16 mai dernier, mais avec les cruels embarras de tout ce qui s’est accompli depuis, dans des conditions malheureusement aggravées et surchargées de ressentimens, de passions de combat, d’ardeurs de représailles, d’antagonismes envenimés, de problèmes insolubles, de tout ce que suscite une lutte à outrance. Il n’est arrivé qu’à préparer cette situation trouble où, pour des pouvoirs divisés, la première et la plus sérieuse difficulté est de se retrouver en présence sur le même terrain, de rentrer en relations, de reprendre en commun, tout au moins sans trop se heurter, le travail interrompu.

Remettre un peu d’ordre dans cette confusion, dégager la vérité des choses et les élémens d’une politique possible de toutes les excitations factices, de toutes les combinaisons chimériques ou extrêmes, reconstituer une situation régulière, préparer la paix par l’armistice de la prévoyance et du patriotisme, c’est là aujourd’hui une œuvre aussi difficile que nécessaire. Assurément, si dans tous les camps on prétend rester sous les armes, redoubler de violens défis entre vainqueurs et vaincus des élections, si on veut s’abandonner à toutes les animations de la lutte, même après que la lutte est finie ou du moins sensiblement modifiée, ce ne serait pas seulement une œuvre difficile, la question deviendrait à peu près insoluble. Au premier moment, il peut en être ainsi. Ceux qui se croient intéressés à pousser la guerre à fond ne manquent pas de tous les côtés, c’est possible. Si le gouvernement est resté assez silencieux depuis le 14 octobre, s’il a gardé une certaine réserve après tout assez naturelle, autour de lui les singuliers alliés dont il a cru pouvoir se servir un moment ne se font faute de parler, au risque et peut-être avec l’intention de le compromettre un peu plus. Ils ont leur thème tout trouvé ! À leurs yeux, l’œuvre du 16 mai n’est qu’à demi accomplie, elle ne peut être interrompue. Le scrutin du 14 octobre n’est qu’un incident, et même il est un encouragement, puisqu’on a gagné quarante sièges. Si on n’a pas été plus heureux, c’est que le ministère a été maladroit : il n’a pas su manier ce merveilleux instrument