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on dissimule ses pertes, on grossit ses succès, et, tout bien compté, il n’en est ni plus ni moins. La vérité est que ces élections nouvelles ont trompé les plus habiles calculateurs, M. le ministre de l’intérieur, qui se flattait d’enlever plus de trois cents nominations pour le gouvernement, aussi bien que M. Gambetta, qui annonçait avec ostentation que plus de quatre cents républicains reviendraient à Versailles. Les alliés du gouvernement ont gagné sans doute un certain nombre de sièges législatifs, ils n’en ont pas gagné assez pour cesser d’être une minorité. Tous les appelés de M. de Fourtou n’ont pas été des élus ! L’ancienne majorité qu’on avait cru briser par le décret de dissolution, cette majorité à son tour reste maîtresse du terrain, — elle n’atteint en réalité ni le chiffre de 400 promis par M. Gambetta ni même ce chiffre fatidique de 363. Elle a laissé sur le champ de bataille plus de 50 de ces 363, elle a retrouvé en compensation quelques soldats nouveaux : au demeurant, il y a toujours un déplacement de quelque quarante voix qui ont passé au camp officiel. La majorité des républicains de toutes nuances, même diminuée, reste encore de plus de 100 voix ; 363 contre 158, c’était la chambre ancienne dans les grands jours, — 320 contre 210, c’est à peu près la chambre nouvelle lorsqu’elle sera au complet. Dans le pays, dans cette masse de plus de 7 millions de votans sur près de 10 millions d’inscrits, la différence entre les deux armées est de 700, 000 voix, et, si l’on veut un détail de plus, dans les pénibles conquêtes dont se flatte le ministère, les bonapartistes sont après tout ceux qui ont gagné le moins. Les autres groupes monarchistes ont eu quelques avantages relativement plus sensibles, quoique encore assez modestes ; ils balancent le noyau impérialiste dans la minorité que M. de Fourtou a conduite au combat, de telle façon que ces élections du 1er octobre, vues dans leur ensemble et dans leurs principaux caractères, pourraient bien contenir une moralité pour tout le monde.

Elles sont de nature à rabattre un peu la jactance des séides de l’empire, qui se flattaient déjà d’être les guides ou les maîtres d’une majorité dont ils se promettaient de se servir pour leur cause. Elles sont aussi à la vérité, sous plus d’un rapport, un avertissement pour les républicains, qui, même en restant victorieux, ne le sont pas assez pour être dispensés de sagesse. Elles sont surtout pour le gouvernement et pour tous ceux qui après lui voudraient l’imiter la démonstration éclatante de l’irrémédiable impuissance de certains moyens. Certes, le ministère n’a rien négligé. Il a déployé pendant cinq mois un luxe imprévu de répression, de prévention, de perquisition. Il a concentré toute la puissance des ressorts administratifs sur un point unique, sans reculer devant les plus étonnans raffinemens ou les plus imperturbables excès de la candidature officielle. Il a eu le malheur de confondre l’influence légitime qu’un gouvernement sérieux peut exercer dans un grand mou-