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vifs sont toujours mélangés de douleur, que la pureté du plaisir est au prix de son peu d’intensité ; mais c’est là une loi qui relie l’hyperesthésie et la douleur, ce n’est pas l’identification de ces deux choses parfaitement distinctes, l’intensité de la sensation et sa qualité d’agréable ou douloureuse ; ces deux qualités ne se confondent pas, parce qu’elles se conditionnent en quelque mesure.

Inutile de multiplier les exemples ; ceux qui précèdent suffisent pour montrer tous les défauts de la méthode psycho-physiologique, et avec quelle légèreté ses partisans donnent pour des explications définitives soit de simples rapprochemens de mots, soit des analogies vagues entre des phénomènes d’ordres divers.


III

Loin de nous la pensée d’affirmer la vanité absolue de la physiologie du système nerveux. Malgré les préjugés antipsychologiques des savans adonnés à ce genre d’études, malgré les lacunes et les équivoques d’une méthode purement physiologique dans l’intention, inconsciemment et imparfaitement psychologique, la recherche des fonctions nerveuses, faite avec prudence par des esprits sagaces et rigoureux, a conduit les Claude Bernard, les Vulpian, les Charcot, d’autres encore, à des résultats que le psychologue serait mal venu à nier en présence de l’adhésion unanime des spécialistes. Nous voudrions seulement montrer que, réduite à ses seules forces, ou avec le sens commun pour unique auxiliaire, la physiologie du système nerveux rencontre assez vite des limites qu’elle ne peut dépasser.

Son point de départ, sa base d’opération, ne l’oublions pas, c’est la physiologie des organes non nerveux, physiologie relativement facile, car, dans ce domaine, les fonctions sont ou observables ou imaginables. Partant de là et procédant par analogie, la physiologie veut envahir le domaine obscur des fonctions nerveuses et arriver à le conquérir tout entier, jusqu’au cerveau inclusivement. Ce domaine, elle le circonscrit d’abord, elle en occupe les frontières, en déterminant les fonctions des parties non nerveuses des organes des sens et les fonctions des muscles. De là, elle prétend s’avancer par une double voie, par les nerfs centrifuges et centripètes, jusqu’aux centres nerveux, la moelle d’abord, puis le cerveau, siège des fonctions les plus élevées.

L’étroite relation qui existe entre les nerfs et les organes non nerveux de la sensation ou du mouvement permet d’établir certaines lois, de déterminer à quelles conditions nerveuses correspondent la présence, l’absence, les degrés, les variations, des