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phénomène du corps, appelé impression, est l’occasion qui suscite un phénomène psychologique, la sensation ; 2° l’activité propre de l’âme est suscitée par la sensation : il se produit une série plus ou moins longue et complexe de faits psychologiques dont les faits du corps ne paraissent à aucun degré causes ou effets ; cette succession est variable et dans sa durée et dans la nature particulière de ses élémens ; mais elle consiste toujours en pensées et en sentimens, et elle se termine souvent par une volonté ; 3° à la suite de ces faits, et spécialement à la suite d’une émotion ou d’une volonté, a lieu le mouvement, instinctif ou volontaire selon les cas, des organes moteurs du corps. En résumé, d’abord l’âme est effet, ensuite elle est indépendante, en dernier lieu elle est cause.

La formule ordinaire des physiologistes sur ce sujet est : la sensation — se transforme — en mouvement, formule creuse où l’on voit un phénomène intérieur — devenir — un phénomène extérieur, mais qui peut recevoir une interprétation moins défavorable si l’on se contente d’y voir l’expression de la relation toute physiologique qui existe, par l’intermédiaire mystérieux des faits psychologiques, entre l’impression des organes des sens et le mouvement musculaire ; elle signifierait alors : le phénomène intérieur causé par un phénomène extérieur — cause à son tour — un phénomène extérieur. Cette traduction de la formule consacrée a l’avantage d’en supprimer l’hypothèse inintelligible de la transformation d’un phénomène d’un genre particulier en un phénomène tout différent. Mais, sous une forme ou sous une autre, cette formule laisse intact le problème qu’elle croit résoudre : résumant toute l’activité intérieure, entre son premier fait, la sensation, et son dernier, la cause immédiate du mouvement, par un mot vide de tout sens positif, transformer ou causer, elle dissimule toute la série des faits intérieurs, tout l’objet de la science psychologique, sans expliquer le mystère de la succession des faits hétérogènes.

Le nouvel ouvrage sur le Cerveau et ses fonctions témoigne d’un effort louable pour préciser ce que la formule traditionnelle laissait dans le vague. On jugera si, en fin de compte, l’auteur est arrivé à un résultat plus satisfaisant. Il dit d’abord (nous avons déjà cité cette proposition) que « le cerveau sent, — se souvient, — et réagit. » Cette fois, les trois faits sont du même ordre, ce sont des faits psychologiques ; sentir est le premier fait de la série psychologique ; par réagir, il faut entendre évidemment le dernier fait de la même série : le mouvement, phénomène extérieur, est ici remplacé par son antécédent immédiat, la cause du mouvement. Mais cette expression, réagir, est bien vague, et la précédente, se souvenir, si elle est plus déterminée, plus positive, plus scientifique que se transformer ou causer, nous parait bien insuffisante :