Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mal, vous résistiez au démon… Exempts du nom ignominieux de béjaunes, je vous salue du beau et glorieux nom d’étudians. A prohroso nomine beanorum absoluti, pulcherrimo honestissimoque vocabulo salvete, Studiosi !

Les deux harangues de déposition prononcées par Freinshemius à Upsal sont de pompeux éloges de cette étrange fête universitaire, qui occupe, à l’en croire, une place parmi les conditions nécessaires à l’éducation morale de l’humanité. Il se demande gravement si elle a pris naissance dans les écoles des anciens philosophes grecs, à côté de la catharsis, ou dans les cérémonies de l’émancipation et de l’affranchissement à Rome. Combien n’est-elle pas supérieure en tout cas, dit-il, aux épreuves qu’imposait le culte de Mithra, à celles de la chevalerie, à celles qu’une foule de corporations exigent de leurs novices ! Les jeunes candidats accepteront volontiers de bénignes et innocentes épreuves, portant avec elles un utile enseignement : ils rencontreront dans la vie de plus réelles souffrances ; rien ne leur sera acquis sans le travail et sans la peine : celui-là restera vainqueur qui saura le mieux résister et durer.

Il n’y avait peut-être lieu ni à de si beaux raisonnemens, ni à de si savantes recherches d’origines, La déposition était simplement une de ces réjouissances traditionnelles dont l’université de Paris avait donné les premiers exemples, et qui s’étaient propagées pendant le moyen âge dans les universités d’Allemagne, pour passer de là dans les pays du nord. Les principaux réformateurs allemands, Luther et Mélanchthon en particulier, avaient souvent rempli les fonctions de depositor et aimaient à composer, pour de telles circonstances, des harangues et des chansons. Voici par exemple des strophes attribuées à Luther : « Nos jeux sont familiers, mais ils servent les bonnes mœurs ; nous émondons un tronc noueux, nous rabotons un grossier rustique, nous redressons ce qui était courbe ; ce qui s’élevait trop, nous l’abaissons. Voyez ce béjaune sordide avec ses grandes cornes ; il veut que nous le fassions étudiant : c’est lui qui paiera les frais ! »

Lignum fricamus horridum,
Crassum dolamus rusticum,
Curvum quod est, hoc flectimus,
Altum quod est, deponimus.
Beanus iste sordidus
Spectandus altis cornibus,
Ut sit novus scholasticus,
Providerit de sumptibus.


Michelet a célébré jadis ce qu’il appelait « les risibles et touchans mystères de la vieille Allemagne, le symbolisme sacré de ses graves initiations. » Il a cité, d’après Grimm, les poétiques formules