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dans les sagas : c’est là, au commencement du IXe siècle, qu’une grande victoire établit la puissance du petit roi d’Upsal ; c’est là que le héros Rolf Krake, poursuivi par ses ennemis, les retarda en semant d’or la route sur son passage, et l’or s’appelait à cause de cela chez les scaldes la semence du Fyrisvall. Encore aujourd’hui, à l’ombre des grands arbres, les hautes pierres à inscriptions runiques se dressent au milieu de l’élégante petite ville, en témoignage de son lointain passé. C’est donc ici vraiment le soi classique de l’ancienne histoire et de la mythologie Scandinave. De son moyen âge catholique, Upsal a conservé au moins un monument, sa cathédrale gothique, commencée au XIIIe siècle par un architecte français sur le plan de Notre-Dame de Paris, mais aujourd’hui mutilée, à la suite de plusieurs incendies. C’est sous les voûtes de cet édifice majestueux encore que les principales fêtes du quatrième centenaire allaient être célébrées.

Le mardi soir 4 septembre, un train spécial du chemin de fer qui remplace aujourd’hui, de Stockholm à Upsal, l’ancienne et agréable navigation par le Fyris, amenait les délégués des universités étrangères. Par suite d’avis distribués à l’avance, chacun de nous devait aussitôt se diriger vers un porte-drapeau arborant une des lettres de l’alphabet ; chacun devait aller vers la lettre par où commençait le nom de l’hôte qui lui avait été préalablement désigné. Cet hôte, — quelqu’un des professeurs ou des notables de la ville, — se trouvait là ; un serrement de mains, et la connaissance était faite : il s’emparait dès lors de son invité. L’hospitalité suédoise a dépassé dans ces circonstances sa renommée légendaire : elle s’était annoncée par les dispositions les plus ingénieuses pour éviter, parmi un si grand concours, la moindre hésitation ou le moindre embarras ; elle devait s’achever par les soins les plus attentifs et les plus délicats. Cet accueil au foyer, ce méthodique arrangement de toutes choses, où il entre autant de patriotisme et de bonté que de sagesse habituelle, est familier aux peuples du nord, et compte à bon droit au nombre de leurs plus incontestables qualités.

Le lendemain matin, après les salves d’artillerie et les sonneries des cloches, sous un beau soleil qui faisait resplendir de toutes parts les drapeaux et les banderoles, les arcs de triomphe, la verdure et les fleurs, on se rendait processionnellement vers la cathédrale, où devait s’accomplir la cérémonie des hommages. L’aspect était étrange, mais non sans grandeur, de cette antique église convertie en aide universitaire. A droite et à gauche dans la nef, les étudians, avec leurs bannières, celle-ci surmontée de l’oiseau de Minerve, celle-là figurant Odin avec ses deux corbeaux, une autre à l’image de saint Éric : le symbole de la sagesse antique, celui