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qui nous marquaient leurs sentimens ; les hommes les plus éminens s’en faisaient les organes. On avait été là, — c’est l’illustre Madvig de Copenhague, c’est M. Bugge de Christiania, qui nous l’ont dit publiquement, — des derniers à croire à nos malheurs, des premiers à affirmer notre résurrection. Ils savent bien que la faute n’a pas été à la France si naguère, quand l’existence du Danemark et la sécurité de tout le nord étaient menacées, nous ne les avons pas secourus ; ils savent bien quels efforts ont été faits ici même, d’accord avec l’opinion publique, pour qu’on les sauvât ; et nous savons à notre tour comment, au détriment de l’Europe, notre inaction a été punie ; jamais n’est apparu plus solennellement qu’au milieu du malheur actuel, malheur, presque égal pour les vainqueurs et les vaincus, le devoir de solidarité qui unit les grands et les petits peuples. Mais quel pays est donc cette France qui, à travers de si grandes vicissitudes, conserve chez ceux-là mêmes pour qui, en de graves circonstances, elle n’a rien pu faire, de si généreuses, de si précieuses sympathies ? Que devra-t-elle attendre, à ce compte, des peuples pour lesquels elle a versé le meilleur de son sang ? N’y a-t-il pas dans cette irrésistible expansion le secret d’une grande force ? Comment n’aurait-elle pas foi en elle-même quand d’autres croient en elle, affirment et invoquent son avenir ?


I

Chacun des trois jours consacrés aux cérémonies du quatre centième anniversaire d’Upsal, auxquelles avaient été invitées les députations des universités étrangères, avait son sens particulier. Le premier était consacré aux hommages que devait recevoir l’antique université ; le second offrait la célébration publique d’une de ses principales et plus hautes fonctions ; le troisième nous réservait une fête d’une saveur toute locale, également significative.

La petite ville d’Upsal est célèbre, non-seulement comme siège universitaire depuis le XVe siècle, mais aussi pour l’antiquité de ses souvenirs. Un peu au nord, sur l’emplacement de la vieille cité, résidence des anciens rois, se trouvent les fameux tertres dans lesquels la légende reconnaît les tombeaux des trois grands dieux, Odin, Thor et Frey. Il y a une vingtaine d’années, quand la pensée de se prémunir contre les entreprises de l’Allemagne conseillait aux trois nations sœurs une étroite alliance, c’était là que se célébraient les fêtes Scandinaves : les étudians des diverses universités du nord venaient, bannières déployées, y boire l’hydromel et redire les chants nationaux. Au sud, la grande plaine du Fyrisvall, sur les deux rives du Fyris, est bien souvent aussi mentionnée