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classiques. Tous les étrangers ont vu à Naples une roche fortifiée qui s’avance dans la mer pour défendre la ville ou pour l’effrayer ; sait-on pourquoi cette roche est appelée le Fort-de-l’Œuf ? C’est que le poète Virgile, ayant prédit dans ses Églogues la venue du Christ, passa au moyen âge pour un grand prophète et un grand sorcier : ce fut lui qui fit surgir le fort avec sa baguette magique et il y cacha, dans une cellule souterraine, une cage contenant un œuf ; de cet œuf dépend le sort de Naples. Tant que la coquille n’en sera pas brisée, la ville peut se passer de torpilles ; elle n’aura jamais à craindre d’agression du côté de la mer.

Cependant, il faut l’avouer, l’histoire de Viola n’est pas bien racontée : le narrateur ou la narratrice de Pomigliano manque un peu de talent ; son vocabulaire est pauvre, et sa narration est maigre ; il répète trop souvent les mêmes mots et raconte les choses crûment, sèchement, sans y mettre du sien et sans ménager ses effets ; on peut l’accuser de négligence et de paresse. Aussi ne lui demanderons-nous pas le dernier conte que nous voulons offrir à nos lecteurs, celui de Petrusenella ou Prezzemolina (Persillette). Les gens de Pomigliano ne la savent pas bien » ils en ont oublié la moitié et ne nous en donnent qu’une réduction assez courte et froide. C’est en Toscane, aux environs de Pistole, que cette belle histoire s’épanouit dans sa fleur. La Toscane, on le sait, est la seule province d’Italie où le dialecte soit du pur italien, et le peuple, surtout celui des champs, le parle si bien qu’il peut l’enseigner aux gens de lettres. Quand Manzoni, Azeglio, Ranieri, ont voulu se corriger du provincialisme lombard ou napolitain, ils sont allés retremper leur langue à la source vive et demander, non pas aux académiciens de la Crusca, mais aux plébéiens de Florence les termes et les tours que Dante avait appris de leurs aïeux. Le dialecte de Pistole n’est pas aussi pur que celui du Marché-Vieux ; mais la fille du peuple, Luisa Ginanni, qui a dicté pour nous la version Toscane de Persillette, laisse bien loin derrière elle toutes ses émules du midi. Qu’on en juge.


III. — PERSILLETTE.

« Il y avait une fois une petite paysanne ayant un peu de terre, et à grand’peine elle y trouvait sa subsistance. Elle avait un garçon qui faisait ses affaires. On le sait, les femmes, quand elles sont seules à côté d’un homme, finissent toutes de la même façon. Cette paysanne plut au garçon, et lui à elle, si bien qu’ils ne purent demeurer longtemps à pâtir : conclusion, les noces. Et aussitôt la femme devint grosse. Mais elle ne se sentait jamais bien parce qu’elle ne trouvait rien de bon à manger, et il n’y avait pas moyen