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Tais-toi, je veux, beau perroquet,
De tes plumes faire un bouquet,
De tes jambes faire un bâton.
Serai femme de ton patron.


« Le matin après, Viola va se laver la figure ; le perroquet lui dit encore comme ça : « Fi, fi ! la fille de l’ogre se lave la figure. » Elle répondit alors comme l’ogre lui avait dit : « Tais toi ! » etc., et alors voilà que le perroquet eut tant de colère qu’il mourut. Le roi le trouvant mort en acheta un autre, mais cet autre aussi, quand Viola s’alla laver la figure, lui dit : « Fi, fi ! la fille de l’ogre se lave la figure. » Cette pauvre fille l’eut à peine entendu qu’elle lui répondit les mêmes paroles qu’elle avait dites au premier. Et du coup mourut aussi le second. Alors le serviteur du roi, quand il vit que son maître avait acheté un troisième perroquet, voulut faire le guet pour voir qui c’était qui le ferait mourir. Et quand ce fut le matin d’après, le serviteur entendit que le perroquet disait : « Fi, fi ! la fille de l’ogre se lave la figure, » et que Viola répondait : « Tais-toi ! je veux, beau perroquet, » etc., et voyant que le perroquet mourait, dare, dare, il l’alla dire au fils du roi. Le fils du roi lui envoya dire (à Viola) que véritablement il voulait l’épouser et qu’elle devait demander à l’ogre ce qu’elle avait à faire pour se marier. Viola fit la question. L’ogre d’abord ne voulut pas le lui dire ; mais, après avoir vu toutes les promesses que lui fit sa fille, il répondit : « Tu veux le savoir ? Eh bien ! pour te marier, toi, je dois mourir, moi. » Viola le dit au fils du roi, et celui-ci lui répondit qu’elle devait lui demander (à l’ogre) ce qu’il fallait pour le tuer. Elle le lui demanda ric-à-ric, mais l’ogre lui dit d’abord : « Tu veux le savoir pour me tuer, donc ce n’est plus vrai que tu m’aimes ; tu veux me faire mourir, et pourquoi ça ? » Mais après, voyant que Viola lui promettait qu’elle l’aimerait, qu’elle voulait le savoir pour une chose, il dit : « Pour me tuer, il faut aller à tel endroit, il y a là un porc-épic. Quand il a les yeux ouverts, il dort, et, quand il a les yeux fermés, il est éveillé. Pendant qu’il dort, on le tue, on prend les œufs qu’il a dans le corps, on les bat contre mon front et je meurs. » La femme le dit tout de suite au fils du roi, et celui-ci, dare, dare, envoie un serviteur, fait tuer le porc-épic, se fait apporter les œufs, les fait battre sur le front de l’ogre pendant qu’il dormait, et épousa la fille. »

L’histoire de Viola, dont les élémens ont été pris çà et là dans quatre ou cinq contes de fées, nous montre bien comment se font ces compositions collectives où collaborent tant de siècles et tant de pays divers. On y trouve notamment un de ces œufs enchantés aussi nécessaires à ces récits enfantins que les songes aux tragédies