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intéressante de notre sujet. Il faut savoir aussi comment le peuple raconte. Nous allons donc traduire, à peu près mot à mot, les trois histoires les plus détaillées du recueil, en tâchant d’être aussi naïf, aussi incorrect que possible. Par malheur, nous ne pouvons reproduire les grâces et les libertés du patois. — voici d’abord l’histoire des cornes :

« Il y avait une fois un homme, et, parce qu’il n’avait rien à faire sur le pavé, il partit et s’en fut à la campagne. Il jeta un coup d’œil sur un arbre et vit un nid d’oiseau. Il monta sur l’arbre et prit la mère avec deux œufs. Sur ces œufs était une inscription qui disait : « Celui qui mangera le cœur de cet oiseau sera pape, et celui qui en mangera le foie aura une bourse et cinquante ducats tous les matins. » Cet homme ne vit rien de tout ça. Il alla au logis et dit à sa femme : « Cet oiseau qu’en ferons-nous ? Nos enfans meurent de faim, je vais le porter au compère, nous ferons un peu de polente pour les petits. » Il alla chez le compère et dit : « Compère, je vous apporte ces deux œufs et cet oiseau pour amuser vos enfans. » Le compère lui dit qu’il n’en voulait pas ; mais, comme l’autre insistait pour qu’il les gardât, à la fin (le compère) voulut que l’homme emportât l’oiseau. L’homme en fureur le prit et se sauva, et il oublia les deux œufs sur la table du compère. Il s’en alla chez lui et mangea l’oiseau. Le compère va voir sur la table, trouve les deux œufs et lit l’inscription et dit : « O malheur, qu’ai-je fait ! J’ai laissé mon petit compère emporter l’oiseau, et sur ces œufs est écrit tout ça ! » Il court chez l’autre et lui dit que ses enfans s’étaient mis à pleurer parce qu’ils voulaient l’oiseau. Alors voilà que l’homme lui répondit qu’il était arrivé trop tard, et qu’il (l’oiseau) était mangé. Le compère alla chez lui et se concerta avec sa femme et dit : « Femme, qu’avons-nous à faire ? » La femme répondit qu’il devait prendre les créatures (les enfans du pauvre homme), disant qu’il voulait les élever. Ainsi fit le compère. Il alla chez l’homme et lui dit : « Petit compère, je veux tes deux petits parce que tu ne peux pas les nourrir. Je vais, moi, les élever. » Et il les emmena chez lui et les conduisit à l’école (ceci doit être une addition récente, jamais les paysans n’envoyaient leurs enfans à l’école sous les Bourbons). La femme du compère faisait chaque matin le lit des petits et trouvait une bourse et cinquante ducats, et traitait ces deux garçons avec beaucoup de bonne grâce.

« Après six ou sept ans, le compère avait gagné une quantité d’argent, et ces petits s’étaient faits grands. Un matin, les deux garçons se mirent à jouer dans leurs lits, et en jouant ils firent tomber la bourse avec cinquante ducats. Les garçons s’en aperçurent et dirent : « Nous ne sommes plus bien ici, le compère a mis ici la