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premiers que les nourrices racontent aux enfans. Il y a beaucoup d’additions et de corrections : voici en quelques mots la variante qui a le plus de succès : La petite vieille trouve un petit sou, mais au lieu de farine elle achète du blanc et du rouge, elle se farde, et se met au balcon. Passent divers animaux (autant qu’on en veut) qui la demandent en mariage, elle leur dit : « Faites-moi entendre la voix que vous avez. » L’âne brait, le mouton bêle, le chien aboie, le chat miaule, le taureau beugle, et ainsi de suite. La petite vieille répond à chacun d’eux : « vous me feriez peur la nuit. » vint la souris qui se mit à guiorer bien tendrement. La petite vieille épousa donc ce petit animal, et un jour qu’elle allait à la messe, elle le laissa près du pot-au-feu, en lui recommandant de n’y pas toucher. À son retour, plus de mari. Elle le chercha partout (ici les détails surabondent) et finit par le trouver dans le pot, brûlé vif. La douleur de la vieille est poignante. — Le même conte court dans toutes les provinces italiennes. Dans celle d’Avellino, ce n’est pas une petite vieille, c’est une chatte qui épouse la souris : singulier mariage. Dans la terre d’Otrante, la veuve du conte est une fourmi. Il en existe une version grecque où la fourmi désolée se lamente entourée de ses compagnes. « Et la fourmi resta veuve, dit le texte grec, parce que celui qui est rat doit être goulu ; si vous n’en croyez rien, allez dans la maison de la fourmi, et vous la verrez. »

Dans tous ces récits, le conteur imite le cri des animaux qui recherchent la vieille, ou la chatte, ou la fourmi, en mariage : ce sont là, des drôleries qui ont toujours diverti les enfans et aussi les vieillards. Les naïfs et les précieux ont souvent les mêmes goûts. M. Imbriani nous le prouve par quantité d’exemples. Il s’est donné la peine de chercher dans toutes les littératures ce genre d’imitation, et il n’a pas oublié les vers autrefois célèbres du seigneur Du Bartas, que Goethe regardait comme un de nos plus grands poètes :

La gentille alouette avec son tire lire…
Vire et désire dire adieu, Dieu, adieu, Dieu.

Jusqu’ici nous avons nagé dans la fantaisie ; les narrateurs populaires n’aiment pas à cheminer pédestrement dans la vie réelle, ils y passent quelquefois, mais ne s’y arrêtent point. Leurs histoires possibles ne sont jamais que des anecdotes, encore ne sont-elles guère vraisemblables ; celle de la muzzella par exemple nous montre un mari au désespoir parce que sa femme ne parle pas. Il va se plaindre à son compère, qui lui dit : « Il y a un moyen de la faire parler, achète-lui des souliers trop étroits. » Le mari suit le conseil, mais la muzzella reste muette. Le compère dit alors : « Achète-lui une robe trop courte. » Mais la robe trop courte ne réussit pas mieux que les souliers trop étroits. Le compère dit alors : «