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sur les toits des maisons voisines. Il les laissa trisser un bon moment, puis il leur dit : « Hirondelles, mes sœurs, vous avez assez parlé, il est temps que moi aussi je parle. » Les hirondelles se turent jusqu’à l’Amen final. Une cigale chantait sur un figuier près de sa cellule et venait souvent se poser sur sa main. « Chante, lui disait-il, ma sœur cigale, et loue le Seigneur avec ta joyeuse chanson. » Et la cigale chantait bruyamment sur la main du saint homme jusqu’à ce qu’il lui permît de retourner sur le figuier. Cela dura huit jours, après quoi François dit à ses frères, les moines : « Congédions notre sœur cigale ; elle nous a joyeusement exhortés toute une semaine à la louange du Seigneur. »

Il reste quelque chose de cette harmonie paradisiaque dans les fables populaires des Italiens. On raconte à Pomigliano qu’il y avait une fois une petite vieille qui, balayant une petite église, y trouva un petit sou. « Qu’en ferai-je ? se dit-elle. Si j’achète des caroubes, il en faudra jeter les gousses ; si j’achète des carottes, il en faudra jeter les queues ; si j’achète des châtaignes, il en faudra jeter les écorces : achetons de la farine et faisons de la polente. » Ainsi fit-elle, puis elle mit la polente sur la table et retourna à l’église en laissant ouverte la fenêtre de la maison. Passa une chèvre, qui, alléchée par l’odeur, sauta par la fenêtre et entra dans la chambre. Quand petite vieille voulut rentrer, elle ne put ouvrir la porte, parce que la chèvre était derrière. Petite vieille dut rester dehors, et elle pleurait, pleurait ;… passa un âne qui lui dit : « Dame petite vieille, pourquoi pleures-tu ? — Parce que la chèvre est dans ma maison. — Ne pleure plus, je vais la faire sortir. » L’âne monta : « toc, toc. — Qui est là ? — Je suis l’âne. — Et moi je suis la chèvre ; j’ai trois cornes au front, pars vite ou je t’éventre. » L’âne se sauva, petite vieille restait dehors et pleurait, pleurait ;… passe ensuite un chien, puis un mouton : même dialogue avec la vieille et avec la chèvre. Arrive enfin la souris. « Dame petite vieille, que fais-tu là ? — Il y a la chèvre dans ma maison. — Quoi ! c’est tout ça ? Sois tranquille, je vais la faire sortir. — Voyez-vous ça ? l’âne ne l’a pas fait sortir, ni le chien, ni le mouton, et tu la ferais sortir, toi ? » Petite souris monta, heurta à la porte. « toc, toc. — Qui est là ? — Je suis la petite souris. — Et moi, je suis la chèvre, j’ai trois cornes au front, pars vite, ou je t’éventre. — Et moi, je suis commère la souris, le cou tordu, le cœur bilieux, pars vite, ou je te crève les yeux. » La chèvre se sauva tout de suite. Et comme la dame petite vieille entra dans la maison avec commère petite souris, ils se marièrent et demeurèrent ensemble tous les deux.

Notons qu’en italien et en patois la souris, sorcio, serece, est du genre masculin, ce qui rend le mariage plus vraisemblable. Ce conte plaît particulièrement aux bonnes gens de Pomigliano, c’est un des