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principe sur lequel s’appuie votre raisonnement. La seule ambition et le principal désir de Peel ayant été de laisser un beau nom dans l’histoire du pays, — l’ambition d’une renommée honorable, comme il l’a dit lui-même un jour, — le moment où il est mort et les derniers actes de sa vie ont véritablement réalisé son vœu. À aucun moment de sa carrière, il n’a été aussi libre de toute entrave, aussi éminemment patriote, aussi haut placé dans l’opinion publique. Son dernier discours a été le résumé du rôle qu’il s’efforçait de tenir, celui d’un médiateur bienveillant envers tous les partis, par cela même les contrôlant tous et dirigeant le gouvernement du pays.

« La soudaineté de sa mort a élargi, et pour nous et au dehors, la brèche qu’une telle perte devait nécessairement produire : et la commisération inspirée par ses souffrances a augmenté encore l’affection et la gratitude dont sa personne était l’objet. Et cependant, qui sait s’il eût été capable de maintenir longtemps la position qu’il aspirait à garder, sans attirer sur lui-même la haine des partis, peut-être même sans leur fournir l’occasion de lui adresser de justes reproches ?

« Le débat sur les affaires étrangères lui a montré toute la difficulté de son entreprise. Il ne pouvait approuver la politique dont il s’agissait ; cependant il ne voulait pas faire tort au ministère, et cela par la seule raison qu’un ministère protectionniste succédant au ministère actuel lui paraissait dangereux pour le pays, et qu’il était absolument décidé à ne pas reprendre le pouvoir. Mais l’excuse de sa santé qui lui commandait cette réserve aurait-elle suffi, à la longue, pour faire que ses amis se résignassent patiemment à cette exclusion permanente ? J’en doute. »


Cette politique si vivement discutée dans la chambre des communes au mois de juin 1850, c’était la politique de lord Palmerston, la politique téméraire qui avait contribué pour une bonne part aux révolutions de 1848, la politique brouillonne qui, par ses prétentions d’ingérence chez les petits états de l’Europe, avait donné un éclatant démenti au grand principe anglais de non intervention. C’est sur ce point que le chef du foreign office dans le ministère John Russell avait été attaqué, d’abord à la chambre haute, puis à la chambre des communes, par des orateurs de toutes les opinions. Le prince Albert vient de nous dire quelle avait été dans ce débat la position particulière, et aussi embarrassante qu’honorable, de sir Robert Peel. Puisqu’un whig déclaré comme M. Gladstone, puisque d’autres amis politiques de lord Palmerston ne craignaient pas de blâmer hautement sa conduite, Robert Peel, l’ancien chef des tories, pouvait-il ne pas la condamner ? Il la condamnait certes aussi décidément que personne, mais il était sûr que la chute du ministère whig ramènerait aux affaires un ministère protectionniste. Or, on sait avec quel éclat Robert Peel s’était séparé de ses anciens