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restaurer la diète de 1815. C’en est fait des espérances de 1848.

La correspondance du baron de Bunsen nous a déjà révélé le désespoir des hommes qui, sans seconder la révolution, désiraient si ardemment l’unité de l’Allemagne par la Prusse ; les notes de Stockmar confirment ces impressions poignantes. Lui aussi, comme Bunsen, il joue un rôle actif dans ces négociations. On le voit tour à tour à la diète de Francfort, à l’assemblée nationale, au congrès d’Erfurth. Au mois de juillet 1848, lorsque l’assemblée nomme l’archiduc Jean vicaire de l’empire, il ne tiendrait qu’à Stockmar d’avoir la direction des affaires étrangères ; il aime mieux rester dans l’ombre pour agir plus librement. Un ministère pourrait le gêner. Quand il n’est pas à Francfort, il est à Berlin dans le cabinet du roi Frédéric-Guillaume, ou à Bruxelles auprès du roi Léopold, ou à Windsor chez le prince Albert. À Berlin, il s’efforce, comme Bunsen, de convertir le roi de Prusse à ses idées ; à Bruxelles et à Windsor, irrité de tout ce qu’il vient d’entendre en Allemagne, il cherche un appui dans une pensée conforme à la sienne. Et que va-t-il faire au foreign office ? Il va plaider auprès de lord Palmerston la cause de l’unité allemande.

Ses Mémoires contiennent à ce sujet de curieux détails. Les hommes d’état anglais ne manquent pas de bonnes raisons pour se montrer peu favorables à cette entreprise. D’abord ils ne comprennent rien aux premiers actes de l’assemblée nationale, à ses contradictions, à ses indécisions, à ce va-et-vient de théories où un esprit pratique est tout dépaysé. D’honnêtes Allemands s’y perdent, Stockmar l’avoue ; comment John Bull s’y retrouverait-il ? Il y a d’ailleurs certaines réflexions toutes simples qui poussent à la défiance, et Stockmar en parle avec humour : « John Bull, comme vous savez, est un grand et gros homme qui a de lui-même une haute idée. Or qu’apprend-il tout à coup ? Les trente-huit Michel allemands, si petits, si minces, qu’il pourrait les fourrer aisément dans sa poche, s’arrangent pour faire tous ensemble un grand et gros Michel. Naturellement cela le choque, et il lui faut quelque temps pour s’accoutumer à l’idée que des petits aient la prétention de grandir. Au reste tous les hommes grands et gros, race volontiers hautaine, ont toujours pensé de la même façon. » Les premières critiques ne l’effraient donc pas, et il est persuadé que le jour où l’unité allemande sera faite, les hommes d’état de l’Angleterre ne seront pas les derniers à en féliciter l’Allemagne. Bunsen complète ici Stockmar ; il nous apprend que les objections des politiques anglais s’évanouirent aussitôt que l’assemblée de Francfort eut rejeté l’Autriche hors de l’Allemagne. Ce décret, que les événemens ajournèrent jusqu’en 1866, et dont l’exécution au lendemain de Sadowa