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Rien n’est plus vrai, et croit-on que ce peuple, qui a montré jusqu’ici une force singulière de consistance, soit menacé d’être perdu pour un coup de scrutin ? Pense-t-on qu’il se laisse si facilement placer entre les fureurs de la commune et les fureurs de réaction ? Le pays s’est prononcé aujourd’hui ; il a donné raison aux uns ou aux autres, peut-être pas entièrement aux uns et aux autres, et, dans tous les cas, quelle que soit sa décision, on peut dès ce moment dire, sans risquer de se tromper, ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Il n’a pas voulu sûrement voter pour ceux qui lui apporteraient des périls de guerre, ni pour ceux qui se feraient un jeu d’affaiblir les institutions libérales, les garanties de contrôle sans lesquelles toutes les catastrophes deviennent possibles ; cela, non, eût-il voté pour des candidats du gouvernement, il ne le veut pas. Il n’a pas certainement non plus voulu voter pour ceux qui déchaîneraient ou favoriseraient les crises révolutionnaires. Il a voulu voter à coup sûr pour la paix et l’ordre dans les institutions qui lui ont été données, qui existent, auxquelles on ne pourrait toucher sans provoquer des convulsions. C’est là pour sûr son vote dans tous les cas, et c’est maintenant à ceux qui vont avoir la main sur ses affaires de s’inspirer de la pensée du pays en mettant leur fermeté et leur prévoyante modération à reconstituer une situation régulière, à maintenir la paix civile, la paix intérieure et extérieure par le respect de toutes les lois.

Si les exagérations qui dénaturent tout et les passions qui se servent de tout se donnent libre carrière dans les conflits de partis, dans nos débats intérieurs, elles devraient du moins être bannies de la sphère des relations et des intérêts extérieurs. Le repos commun du monde est une chose assez précieuse pour qu’on ne le laisse pas à la merci des incidens, des excitations du moment, et les rapports des nations sont toujours une chose assez délicate pour que ceux qui ont une action sur les affaires publiques dans tous les pays se fassent un devoir de maintenir la netteté des situations, d’éviter les équivoques, les manifestations imprudentes. Qu’on n’oublie jamais que tout prend ici une gravité exceptionnelle.

Quel est un des griefs les plus dangereux contre le gouvernement dont le sort se joue aujourd’hui dans les élections ? On l’accuse d’être un gouvernement clérical, d’avoir, lui aussi, son « péril latent, » ce qu’on vient d’appeler dans une boutade sarcastique un « cléricalisme profond, » et d’être entraîné, bon gré, mal gré, par le cléricalisme à une politique compromettante pour la situation extérieure de la France ; on l’accuse d’être une menace pour la paix, pour la sécurité, pour l’avenir des rapports de la France avec l’Italie. M. le président de la république et le ministère s’en défendent vivement, ils ont certes raison, et les esprits réfléchis n’ont aucune peine à les croire lorsqu’ils assurent qu’ils désirent la paix avec l’Italie comme avec tout le monde. Comment se fait-il cependant que le soupçon subsiste, qu’il devienne l’arme de