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elle niait l’indépendance originelle des provinces basques et concluait à l’abolition de leurs privilèges, abolition déjà décidée dans l’esprit de Ferdinand et de ses ministres. En effet, le 16 février 1824, un décret lancé par le roi sans accord préalable avec les provinces leur demandait, pour une période de quatre ans, un don gracieux annuel de 3 millions de réaux ; cette contribution temporaire ne devait pas tarder, selon toute évidence, à devenir perpétuelle, et, en laissant aux députations le soin de répartir et de lever l’impôt, le roi, fort habilement, se déchargeait sur elles de tout l’odieux d’une semblable mesure. En même temps, à l’exemple de ce qu’avait fait Godoy avec Llorente, le ministre Calomarde chargeait un autre chanoine, don Thomas Gonzalez, de former une collection de documens relatifs au pays basque. Ce Gonzalez n’avait rien de son prédécesseur qu’une immense érudition ; sa probité était au-dessus du soupçon ; mais faible, sans volonté, il ne sut ni refuser la besogne qu’on lui confiait ni se soustraire aux instructions perfides que Calomarde lui faisait tenir en secret. Son recueil ne contient guère que des pièces défavorables ou indifférentes aux provinces basques. Du reste, toutes ses insinuations comme aussi celles de l’académie d’histoire et les attaques virulentes de Llorente et de la junte des abus, ont été victorieusement réfutées par un fils du pays basque, don Pedro Novia de Salcedo, dont l’ouvrage en quatre volumes, très complet, parut en 1851.

Les choses en étaient là quand les événemens de France et la révolution de 1830 vinrent effrayer le gouvernement et couper court à tous les projets de réformes. Ferdinand VII mourut, et peu après éclatait la guerre civile. Les tendances du parti constitutionnel qui arrivait au pouvoir avec la régente n’étaient que trop connues ; quelques imprudens ne s’étaient-ils pas vantés déjà de vouloir tout d’abord réformer le clergé, supprimer les dîmes et abolir les fueros ? Ces menaces ne pouvaient manquer d’avoir un funeste retentissement parmi des populations également dévouées à leurs institutions anciennes et à leur religion. Le parti apostolique sut habilement exploiter le mécontentement des esprits, il excita les défiances, attisa les haines, déclara astucieusement à ces hommes naïfs, amoureux de liberté, mais répugnant d’instinct à toute nouveauté, que l’absolutisme était la seule digue à opposer aux idées antireligieuses et révolutionnaires, et parvint à les convaincre qu’en soutenant don Carlos ils défendaient la foi et les fueros. Quoi qu’il en soit et par une conséquence facile à comprendre, jamais les fueros ne furent plus souvent violés que durant cette guerre et par le prince même qui leur devait ses meilleurs soldats ; Don Carlos ne permit pas que les juntes générales se réunissent une seule fois, et,