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unis non plus, comme on croyait, par des pactes volontaires à la couronne. Cette œuvre fut publiée en 1806, avec ce titre : Notices historiques sur les trois provinces basques, Llorente était un homme d’une érudition peu commune, mais du caractère le moins estimable, « parfait coquin, sauf la prêtrise, » un bribon salvo la tonsura, me disait un Basque de mes amis, non sans quelque rancune. Il avait reçu de Godoy une place de chanoine de la cathédrale de Tolède avec la charge de maître de théologie de la même église. Pour contenter celui qui le payait si bien, il n’hésita pas à fausser l’histoire, donnant comme authentiques des textes notoirement apocryphes, tronquant ou supprimant les uns, altérant les autres, et les interprétant à sa guise. Le plus curieux, c’est que quelques années plus tard, après la chute de Godoy, se trouvant lui-même émigré en France, il aurait fait offrir aux provinces basques d’écrire un autre livre en réfutation à celui qu’il avait publié contre elles, offre qui, par un sentiment de dignité de la part des députés, ne fut point accueillie. Toujours sous l’inspiration de Godoy, l’académie royale d’histoire entreprit un grand dictionnaire géographique et historique qui devait embrasser toutes les provinces de l’Espagne et qui, commencé par la Navarre, l’Alava, la Vizcaye et le Guipuzcoa, n’alla pas plus loin, comme si de la sorte son but était suffisamment atteint ; fait avec un réel talent, ce livre, lui aussi, témoigne d’un parti-pris évident contre les Basques. « La première conséquence de tout cela, dit excellemment M. Canovas del Castillo, c’est que la question des fueros resta dès lors posée, non dans la forme profitable et nécessaire d’une conciliation nationale, mais dans la forme de controverse passionnée, toujours près d’être tranchée par la force. »

L’insatiable ambition de Napoléon Ier, la chute de la dynastie des Bourbons, qui entraînait celle du favori, ne permirent pas à Godoy de donner suite à ses desseins ; ils furent repris plus tard par Ferdinand VII. Dans l’intervalle, les cortès de Cadix avaient fait paraître leur fameuse constitution. Gens honnêtes, mais sans expérience, remplis d’illusions généreuses, les législateurs de 1812 n’avaient pas peu contribué, en proclamant l’égalité de tous les Espagnols devant la loi, à alarmer les Basques, dont les adversaires devenaient chaque jour plus entreprenans. Ferdinand VII, non point par souci de l’égalité, qui l’inquiétait médiocrement, mais pour satisfaire ses instincts autoritaires, résolut d’en finir avec les fueros. Dès le mois de novembre 1815, une junte fut nommée avec la mission apparente de s’enquérir des fraudes et des abus commis au détriment du trésor, et cette junte, quatre ans après, développa son opinion dans un rapport en forme d’étude historico-légale où