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tranchée entre les nobles et les vilains que l’hidalgo perdait sa noblesse en épousant une femme de l’autre classe. Quand le vilain mourait, ses fils venaient trouver le seigneur et, se mettant à genoux, le suppliaient de les recevoir pour ses vassaux. Les vilains étaient tenus de servir à la guerre tout le temps et chaque fois que le roi l’exigeait. Nombreux étaient les impôts que payaient les paysans du domaine royal, mais dès la fin du XIIe siècle les communes commencèrent à adopter un type unique de contribution ; pour les paysans dépendant d’un seigneur, ils ne devaient rien au roi, à la différence de ceux de Castille, où le roi conservait toujours la moneda forera. Le mode d’élection le plus répandu dans les communes royales était l’élection directe par le tirage au sort. Quant à la justice, aucun Navarrais ne pouvait être arrêté ni ses biens séquestrés, pourvu qu’il fournît caution ; d’autre part il était défendu aux autorités de faire aucune enquête sans plainte ou réclamation de la partie civile. Au criminel, les Navarrais ne pouvaient être jugés que par les tribunaux de la cour suprême, et les juges devaient tous être naturels du royaume, sauf cinq que le fuero accordait au roi.

C’étaient les cortès qui, de concert avec le roi, faisaient les lois et décidaient de la paix et de la guerre : bien plus, au commencement du XVe siècle, par suite de la pénurie des rois et de l’abandon qu’ils firent à la nation de ce qui leur restait de leur domaine particulier, les cortès s’engagèrent à subvenir aux dépenses de l’état et à l’entretien de la maison royale ; dès lors elles possédèrent le droit de voter l’impôt ordinaire et extraordinaire. Elles se composaient de trois ordres : le clergé, dont faisaient partie les dix grands dignitaires de l’église ; la noblesse, comprenant une centaine de membres, tant personnes titrées que chef de lignage ; enfin le tiers-état, formé des représentans de trente-huit villes, ne disposant chacune que d’une voix, bien qu’elles pussent envoyer deux ou trois délégués. La faculté de convoquer les cortès appartenait au roi, et en son nom, depuis l’annexion, au vice-roi. Les trois ordres se réunissaient dans la même salle sous la haute présidence de l’évêque de Pampelune. Le vice-roi, avant l’ouverture des cortès, jurait de sauvegarder tous les fueros et privilèges des Navarrais, « les rendant meilleurs et non pires. » La discussion était générale au milieu des trois ordres réunis, mais le vote avait lieu séparément ; il fallait la majorité dans chaque ordre pour que le vote des trois fût valable. Les séances étaient secrètes. Tout d’abord, les cortès avaient soin d’examiner si les violations du fuero, signalées par les chambres précédentes, avaient reçu réparation : dans le cas contraire, elles ne procédaient à aucun accord ultérieur, le vote du budget par exemple. Pendant leur absence, une députation permanente de six