Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naturels ; le pase foral enfin, témoignage et garantie tout à la fois de leur indépendance originelle. Prétendre que les institutions basques soient l’idéal de la perfection sociale et qu’elles doivent rester stationnâmes ne serait ni juste ni raisonnable ; le fuero de Vizcaye les reconnaît lui-même perfectibles et révisables. « Et le seigneur, dit-il, viendra à Guernica, et là, avec l’accord des Vizcayens, si quelques fueros sont bons à enlever et d’autres à corriger, il les fera enlever et en donnera d’autres de nouveau, s’il est besoin, toujours avec ledit accord des Vizcayens. » En effet, le temps ne marche pas en vain et les besoins nouveaux exigent en tout des réformes. Qui pourtant oserait de bonne foi blâmer les Basques de l’attachement qu’ils montrent pour leurs fueros ? Dans un message solennel adressé en 1864 à la reine Isabelle, la junte générale de Vizcaye s’exprimait en ces termes : « Il y a, señora, dans vos vastes domaines, un pauvre coin de terre voilé par les brouillards et battu par les flots. D’étroites vallées le composent et de hautes montagnes hérissées de roches, coupées de précipices. Il semble que Dieu ne l’eût destiné qu’à porter des broussailles et à servi d’asile aux bêtes sauvages, tant la nature s’y montrait avare de ses moindres dons ; mais un jour, — voici de cela bien des siècles, — dans ce coin stérile vint s’établir une race dont l’origine est un mystère impénétrable à la sagesse humaine, et cette race aimant Dieu, la liberté et le travail trouva sur un sol infécond la liberté que d’autres ne trouvent pas dans les pays les plus fertiles et les plus favorisés. Le coin où ce peuple vit est celui que forment les trois provinces basques, et la source de leur félicité presque miraculeuse est en ces libertés qui depuis les temps les plus reculés les animent et les soutiennent dans la vertu et le travail. » A l’exposition universelle de Paris de 1867, devant le jury spécialement chargé de récompenser les personnes, les établissemens ou les pays qui auraient su le mieux assurer aux classes laborieuses le bien-être intellectuel, moral et matériel, le comte de Moriana, membre espagnol du jury, fit valoir les titres des provinces basques. Il expliqua non-seulement leurs libertés politiques et administratives, mais aussi leur amour de la famille, leur respect de l’autorité, l’entente et la bonne harmonie qui règnent entre les diverses classes de la société, le développement croissant de l’industrie, du commerce, de la bienfaisance et de l’instruction. Cet éloquent exposé attira l’attention du jury et valut aux provinces basques, dans la distribution solennelle des récompenses, après rapport conforme des commissaires envoyés sur les lieux, une mention honorable parmi les pays dont les institutions contribuent le plus au bonheur et à la moralité des habitans.

Au surplus, les provinces basques ne furent pas toujours les