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deux dates. Selon ce dernier, la proportion des enfans qui fréquentent l’école n’est que de 1 sur 9 dans l’Ile du Milieu, et seulement de 1 sur 20 dans l’île du Nord, et cette fois voilà des chiffres qui sont en triste désaccord avec ceux que nous présente la prospérité matérielle de la colonie.

Les squatters prospèrent en Nouvelle-Zélande comme en Australie, les douze millions de moutons de la statistique de M. Reid en sont la preuve. En dépit de cette prospérité, il est douteux cependant qu’ils arrivent jamais à la prépondérance sociale, car la nature leur refuse ce qu’elle accorde au contraire à leurs confrères australiens. La Nouvelle-Zélande, c’est l’Australie avec tous ses avantages et sans aucun de ses désavantages. Ce pays connaît la pluie et les douceurs des climats tempérés, les pâturages n’y sont pas frappés de stérilité par la sécheresse, le sol, presque partout propre à l’agriculture, paie largement le travail des cultivateurs. Aussi, malgré les prix élevés auxquels a atteint la terre dans ces conditions favorables, les petits agriculteurs se sont-ils présentés en plus grand nombre qu’en Australie. Sous ces influences bienfaisantes de la nature, il s’est en outre produit un fait qui assure à la démocratie agricole un appui inattendu contre la prépondérance des squatters. On sait que les animaux importés d’Europe en Australie s’y sont multipliés en quelques années avec une rapidité extraordinaire. M. de Beauvoir, et après lui M. Trollope, nous ont raconté par exemple comment le peuple des lapins s’est accru en Tasmanie au point de devenir pour cette colonie un véritable embarras ; mais cette fécondité n’est rien en comparaison de celle de la Nouvelle-Zélande, où elle s’est étendue aux plantes les plus humbles. On y a importé le salubre cresson de fontaine ; il s’y est tellement multiplié qu’il a fallu, nous apprend lady Barker, légiférer contre cette modeste salade ; on y a planté l’ajonc en haies, il a envahi toutes les terres avec une énergie qui fait le désespoir des agriculteurs. De cette extravagance de végétation est née l’idée de transformer le pâturage naturel en prairies à l’européenne par le moyen des gazons anglais. Toutes les conditions de la vie pastorale australasienne ont été bouleversées par cette innovation. Tandis qu’en Australie on calcule qu’il faut environ trois acres pour la nourriture d’un mouton, en Nouvelle-Zélande, grâce à ce système qui concentre la nourriture des animaux sur un moindre espace, on peut nourrir cinq, six et même sept moutons par acre, ce qui permet à l’éleveur, selon ses convenances, soit de diminuer son run, soit d’augmenter dans des proportions énormes le nombre de ses bêtes. Le squatter y double sa richesse, mais le free selecter y crée la sienne, en même temps que le premier perd en privilège tout ce que le second gagne en égalité. Le free selecter trouve que l’agriculture le paie mal de sa peine, ou