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édifiant, cela suffit pour montrer à quel point d’ascendant y est parvenu l’élément démocratique.

La Nouvelle-Zélande a été vraiment pour l’église anglicane un sujet de grand désappointement. Dès l’origine, elle avait marqué ces îles comme une terre qui devait être exclusivement réservée au dévoûment et aux travaux de ses missionnaires. Opposé en principe à la colonisation, le parti des missionnaires fit tout ce qu’il put pour prolonger les hésitations du Colonial office, et lorsqu’il se trouva battu en compagnie du gouvernement anglais par l’acte décisif de la Société néo-zélandaise, il se rabattit sur l’espoir de posséder au moins dans la nouvelle colonie un territoire où il serait maître absolu. Cette province de Canterbury était la forme nouvelle que l’anglicanisme avait donnée à ses prétentions, et voilà que même cette modeste compensation lui échappe. D’autres déboires l’attendaient sur ce sol nouveau, dont la population débarquée d’hier a porté avec elle les opinions les plus récentes des vieux états d’où elle arrive. En Nouvelle-Zélande, comme en Australie, fleurit dans sa pleine vigueur cette maxime, qu’aucune église ne doit avoir le pas sur une autre. La faveur dont y jouit cette opinion ne vient pas précisément d’antipathie contre le gouvernement ecclésiastique, bien que ce sentiment n’y nuise pas, elle a une cause moins radicale et plus judicieuse qui est l’impossibilité d’accorder une telle suprématie sans blessante partialité, les colons étant de provenances fort diverses, et les églises entre lesquelles ils se partagent s’équilibrant à peu près exactement. Les fidèles de l’église anglicane sont nombreux en Nouvelle-Zélande, cependant ils n’y composent pas plus des deux cinquièmes de la population ; elle se trouve donc par ce fait sur le pied de la plus complète égalité avec les églises catholique et presbytérienne qui se partagent le reste. Il est certain que dans de telles conditions toute suprématie serait une atteinte à la logique ; il n’en est pas moins singulier, étant données sa constitution, son organisation hiérarchique, ses traditions, son union intime avec l’état, de rencontrer cette église réduite à ce point dans des colonies qui, toutes libres qu’elles soient, n’en sont pas moins soumises encore au gouvernement anglais. Sans suprématie, que devient la fière et aristocratique église anglicane ? Par son histoire, elle en a la longue habitude, et par sa hiérarchie elle en a la nécessité. De cette sorte de déchéance résultant des conditions sociales de la colonie naissent quantité de tribulations qui rendent peu enviable la position d’évêque anglican en Nouvelle-Zélande. Le patronage est nul, les honneurs marchandés ou refusés, les titres supprimés, le logement humble et le salaire médiocre. 500 livres sterling (12,500 fr.) composent tous les émolumens d’un évêque néo-zélandais, mince prébende pour un haut dignitaire de cette église si bien rentée dans